Un vent mutagène qui s'appelle Internet souffle sur la planète et
bouleverse les idées reçues. On estime que 600 millions de
personnes l'utiliseront en l'an 2 000. Le principe fondateur du Net "
Donner et recevoir " rejoint notre philosophie de l'acte gracieux. Alors
que le réseau des réseaux était encore méconnu dans
nos contrées européennes, notre association s'est lancée
dans la cyber-aventure. Le navire des Humains Associés est parti
droit devant sur l'océan numérique. L'intention de
l'équipage : rencontrer des voyageurs de tous horizons.
À travers notre site, nous avons choisi d'offrir des contenus gratuits
et d'ouvrir le dialogue avec les humains de la planète. Des
Idées et des Âmes, ainsi que l'ensemble de nos
éditions, est intégralement accessible en ligne. Depuis janvier
1995, date de notre arrivée dans le cyberespace, environ quarante mille
internautes ont parcouru sur leur écran la version électronique
de la revue. À la recherche d'une éthique pour le réseau,
nous éditons un journal électronique,
Le Journal Virtuel, une tribune pour tenter de réfléchir
aux répercussions qu'ont les nouvelles technologies sur les
mentalités et les modes de vie de l'homme.
Humains-fr, tel est le nom du cercle virtuel de réflexion que nous avons
fondé. Actuellement, il compte quatre cents abonnés d'une
trentaine de pays. Chaque jour, par courrier électronique et dans la
langue de Molière, les idées et les discussions fusent sur des
thématiques philosophiques, scientifiques, poétiques, et
artistiques.
Internet nous offre un formidable moyen de partager nos connaissances avec les
exclus. Pour Hervé le Crosnier, " diffuser les compétences de
l'écriture multimédia, en permettant à des groupes
sociaux de créer leurs propres documents et de les placer sur le
réseau, est un moyen pour tisser de nouveaux liens de
citoyenneté. Les quartiers démunis, les populations en
échec scolaire, les chômeurs, les personnes âgées
sont aussi concernés par le réseau. L'apport du mouvement
coopératif à l'école est à méditer
aujourd'hui. Créer un journal de quartier, diffuser des
échantillons musicaux, des voix, des images, des pensées et des
rêves est un moyen de redonner confiance. Prenons garde de ne pas laisser
le réseau aux mains des seuls favorisés, par la culture, par le
statut ou par l'argent "*.
" Le réseau nous donne aujourd'hui le moyen de
réfléchir concrètement à ce que pourrait être
une " économie politique de la connaissance ", poursuit Hervé
le Crosnier. La connaissance a ceci de particulier qu'elle enrichit autant
celui qui la reçoit que celui qui la donne. La connaissance fonde une
économie sur le partage, le respect et le don. " Dans cet esprit,
nous sommes en train de promouvoir la Déclaration des Droits et Devoirs
de l'être humain proposée par la jeunesse, notamment les articles
VII et VIII.
Placer l'homme avant l'économie est peut-être l'enjeu essentiel de
la création d'une info-éthique (éthique de
l'informatique). Parler d'éthique, c'est parler d'équité
et d'équilibre. Non pas seulement en terme de marché. Sinon
l'info-pauvreté s'étendra non seulement dans les pays
déshérités, mais également dans les zones de
paupérisation des pays riches que sont les banlieues, donnant lieu
à une fracture culturelle irréversible. Deux exemples
significatifs : il y a plus de lignes téléphoniques
installées dans l'île de Manhattan (New York) que dans toute
l'Afrique noire. Et plus de deux milliards d'hommes ne disposent pas
d'électricité.
Dans un entretien, réalisé il y a une trentaine d'années,
Idries Shah disait : la civilisation occidentale " est menacée de se
noyer dans l'information ". Il ajoutait : " la culture européenne
pourrait bien être la première dans l'histoire à
dégénérer non pour cause d'ignorance mais pour n'avoir pas
su utiliser sa connaissance ".
Le marché envahit le réseau et ceux qui apportent un contenu
non-commercial deviennent peu à peu des amérindiens
technologiques. L'avenir d'Internet est incertain : sera-t-il un outil de
développement de l'intelligence collective, un lieu de dialogue et de
partage dans le respect des
différences, ou un supermarché
unidimentionnel, contrôlé par les multinationales ?
Internet est la ruée vers l'or électronique de cette fin de
siècle. Un Far West sans loi, où les seuls vainqueurs sont les
gâchettes rapides. Chacun plante son drapeau afin de délimiter son
territoire. Le moment est venu pour chaque-un d'apporter sa
contribution à ce Nouveau Monde électronique. William Gibson,
l'inventeur du concept de cyberespace, le dit dans les colonnes du Journal
Virtuel : " Nous n'avons pas encore réalisé la dimension
poétique du numérique ".