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Entre Science et Transcendance

Entretien avec
Jean-Marie Pelt
Biologiste Président de l'Institut européen d'écologie à Metz.

"Dieu de l'univers, science et foi" Éditions Fayard, Paris,1995.

Les Humains Associés : Dans les Ecclésiastes, il est dit qu'il y a un temps pour tout. Pensez-vous que ce soit le temps d'un retour à Dieu ?

Jean-Marie Pelt : Oui naturellement (rires). Je pense que ce retour à Dieu est d'autant plus urgent que le marxisme, disons dans sa forme agressivement anti-théiste et athée, s'est effondré. Et que le frein que pouvait représenter l'écologie est beaucoup moins fort qu'il y a quelques années. La mode médiatique n'est plus à l'écologie mais à l'Internet, aux cédé-roms et aux nouvelles technologies de communication. Par rapport à cette mode, l'écologie est actuellement moins présente dans les esprits et par conséquent dans la sensibilité générale. Ce qui fait que le matérialisme capitaliste, qui est une autre version du matérialisme, peut vraiment se développer sans limite dans le monde entier, sans aucun frein, ni contrepoids.

Par rapport à la montée du pouvoir des grandes multinationales ou par exemple du GATT (ce système de libre échange international qui donne priorité aux marchandises et au commerce, priorité qu'on retrouve avec Maastricht), il y a un fort besoin de spiritualité qui se fait ressentir. Je le ressens surtout à travers les nombreuses conférences que l'on me demande de faire sur le thème de ce livre. Elles sont très vivantes, mais ce qui m'a le plus étonné, c'est que les gens se posent vraiment de nombreuses questions sur la spiritualité.

Je crois que ce qui marquera, entre autres choses, le millénaire prochain et le suivant, c'est qu'il sera spirituel ou ne sera pas, comme l'avait dit Malraux.

Je pense qu'il avait perçu quelque chose de très profond face à la montée du matérialisme, qui est dû au système même de l'économie internationale. À savoir que le monde des marchandises ne satisfait pas le besoin de nature et les besoins affectifs et spirituels.Tout comme il satisfait très mal les besoins en matière de santé et d'emplois, puisqu'il supprime le travail et que dans le monde entier les machines remplacent de plus en plus vite l'homme. De sorte que modernisation est synonyme de licenciement. Tous ces besoins ne sont pas satisfaits par le capitalisme et je pense qu'à côté du capitalisme, il y a une place pour d'autres choses, en particulier pour la spiritualité.

Le capitalisme c'est la loi de la compétition au détriment de la coopération, comme vous le dites, ce n'est pas la loi de l'amour.

Ah, mais le capitalisme ignore totalement l'amour, c'est une notion qui lui est radicalement étrangère, c'est vraiment la loi du plus fort. Même dans la nature ce n'est pas la loi du plus fort qui règne, car il y a des faibles qui persistent et qui sont même protégés par les forts. Le libéralisme en lui-même, que les collectivités politiques calfeutrent et équilibrent comme elles peuvent par des systèmes de protection sociale, ignore tout ça. Sa seule ambition est que le plus fort gagne.

Pour en revenir à votre livre, vous faites l'analogie, entre saint François et saint Thomas d'Aquin, en rapport avec l'hemisphère gauche et l'hémisphère droit du cerveau.

Pendant la période de leur vie où ils étaient au plus actif de leur travail, de leur réflexion et de leur expérience, on pourrait dire que saint Thomas d'Aquin fut un grand intellectuel, et saint François d'Assise un grand mystique. Il est vrai que Thomas d'Aquin est aussi devenu mystique à la fin de sa vie, et que, vu avec le recul, ce sont des mystiques tous les deux. Mais Thomas d'Aquin était d'abord un grand intellectuel qui a éprouvé le besoin de faire une synthèse de tout ce qu'on savait à l'époque où il a vécu, chose qui est absolument impensable aujourd'hui. C'est ce que les encyclopédies essaient de faire, mais il n'y a plus aujourd'hui d'hommes qui prétendent être des hommes de synthèse entre la théologie, la philosophie, les sciences, la médecine, les arts.

C'est non seulement impensable aujourd'hui, mais cette approche n'aurait pas de sens parce qu'elle ne serait pas acceptée par les gens. De son côté, saint François d'Assise était un homme très proche de la nature, mais par l'intuition, par les affects plus que par l'intellect. Il était fondamentalement un homme de prière et il avait une certaine réserve par rapport à la science, dont il avait remarqué qu'elle gonflait souvent la tête de ceux qui l'exerçaient. Qu'elle les éloignait de Dieu... Et il disait cette chose étonnante, que les sermons que font les religieux ou les prêtres sont tout entiers à leur propre gloire parce qu'ils disent ensuite : -- Ah, vous voyez le beau sermon que j'ai fait ! (rires). saint François pensait qu'il fallait être humble. Aux trois voeux monastiques traditionnels -- pauvreté, obéissance et chasteté -- il ajoutait une sorte de voeu d'humilité qu'on pourrait presque appeler aujourd'hui un voeu de bon écologiste. Il pensait que la proximité des arbres et des animaux, des rochers et des montagnes permettait de contacter Dieu par la voie la plus directe.

Comme dans l'Hymne au Soleil, par exemple...

Voilà, comme l'Hymne au Soleil, et saint François rejoignait ainsi saint Bernard, qui disait un siècle plus tôt qu'il avait plus appris dans les arbres que dans les livres. Cette même approche directe, intuitive, c'est le cerveau droit, tandis que saint Thomas c'était plutôt le cerveau gauche. Mais Thomas, à la fin de sa vie, a eu aussi beaucoup d'intuitions et d'expériences mystiques. Si bien que son secrétaire lui disait : " Mais Père, écoutez, nous ne faisons plus rien, ça fait des jours et des jours que vous ne me dictez rien, ça ne sera pas fini... -- Oh, a-t-il répondu, ça n'a pas d'importance, tout ça, ça ne vaut pas plus que de la paille et du foin et tu peux le foutre en l'air " (Rires). Il avait réalisé que l'intellect, que l'approche purement intellectuelle n'était pas satisfaisante et que la seule approche vraiment satisfaisante était l'approche globale de Dieu par la mystique. Comme vous êtes une mystique, vous le comprenez très bien (rires).

Je pense que vous le comprenez encore mieux que moi (rires)... J'aimerais bien que nous parlions de celle à qui Jésus a dit : " Il te sera beaucoup pardonné parce que tu as beaucoup aimé", donc Jésus et les femmes (rires)...

Ah oui ! C'est très intéressant, Jésus et les femmes. Pour le peu que j'en sache, car je ne suis pas un historien et moins encore un théologien et encore moins un exégète, je ne suis rien de tout cela...

Vous avez juste un rapport direct... c'est bien cela ? (Rires)

Oui c'est cela (rires). C'est vrai que c'était une époque où les hommes avaient apparemment une priorité sur les femmes, comme aujourd'hui dans tout le bassin Méditerranéen. Même si, quand on y regarde de près, ce n'est peut-être qu'une apparence. Je pense à un couple de jeunes arabes dont je suis le parrain, et qui fonctionne ainsi. C'est en fait Fatia qui décide, et Omar fait seulement semblant de décider (rires). Mais, officiellement, il est extrêmement important que les apparences soient toujours sauves. Donc à l'époque de Jésus, pour que les apparences soient sauves, il fallait que les messieurs apparaissent comme les décideurs et que les femmes restent à la maison. De ce point de vue comme de bien d'autres, Jésus a beaucoup bousculé les choses. Il n'est pas apparu d'un conservatisme foncier, si l'on peut dire.

Loin de là ! (Rires)

Pendant cette période de sa vie dont on sait quelque chose, c'est-à-dire les trois ans de sa vie publique, il était souvent reçu par Marthe et Marie. Je pense qu'il était très content que Marthe lui fasse la cuisine mais il trouvait que Marie, qui l'écoutait, c'était mieux encore (rires). Il a là une approche très tendre et très affectueuse pour ces deux soeurs, et lorsqu'elles le font chercher parce que leur frère Lazare est mort, il accourt tout de suite... La seule fois où on le voit pleurer, c'est sur le tombeau de Lazare. Ce que je trouve aussi tout à fait important, c'est la scène avec la Samaritaine qui est dans l'Évangile de Jean, probablement issue à l'origine d'un autre document. La Samaritaine est une femme qui lui sort de l'eau du puits, et il s'adresse à elle.

C'est déjà étonnant parce qu'elle est une femme et qu'elle est une Samaritaine. Plus encore, c'est scandaleux, parce qu'une femme samaritaine n'est pas à mettre sur le même pied qu'un monsieur juif, n'est-ce pas. Il y a un décalage. Pourtant, c'est à elle qu'il annonce ce qu'il est, qui il est, alors que normalement c'est une annonce qu'il aurait dû -- dans l'esprit que nous pouvons avoir de l'organisation rationnelle des sociétés -- annoncer à Hérode et à Pilate. Il ne l'a pas dit aux deux interlocuteurs à qui il aurait logiquement dû le dire, mais à une femme. Un autre épisode évidemment bien connu, c'est celui de Marie-Madeleine. C'est l'épisode central et c'est encore une fois scandaleux parce que c'est une femme, une pécheresse et une prostituée...

De plus c'est la première qui l'a vu ressuscité.

Oui, absolument. Leur rencontre est une rencontre déterminante parce qu'elle va se reproduire au moment de la résurrection : c'est elle qui, en premier, voit le Seigneur ressuscité. C'est tout à fait surprenant parce que logiquement, d'après l'organisation lourde que l'on voit par exemple aujourd'hui dans l'Église catholique, société uniquement composée d'hommes, logiquement Jésus aurait du apparaître d'abord à ses apôtres, pour confirmer le choix de ses douze hommes. Mais non, il est apparu d'abord à une femme et même pas à sa mère, mais à Marie-Madeleine.

Je pense que la position de Jésus par rapport aux femmes bouscule totalement les hiérarchies et les a par la suite considérablement influencées, parce qu'à l'époque des premiers chrétiens, voila que brusquement les femmes, les filles en particulier, se sont mises à refuser les maris qu'on leur collait d'office. On a vu beaucoup de femmes dire, et c'était même l'une des caractéristiques des premières chrétiennes : " Non, je ne me marierai pas avec celui-là et d'ailleurs, si j'en ai envie, je ne me marierai pas du tout". Je pense que le mouvement de libération des femmes trouve là ses racines...

Ce qui paraît étonnant, c'est que cette prise de position révolutionnaire n'a pas été mise à l'index.

À partir du troisième siècle, date approximative de l'achèvement du Nouveau Testament, on a considéré que certaines lettres de Paul et que les Évangiles étaient canoniques et que d'autres textes ne l'étaient pas, et cela n'a plus bougé depuis lors. Personne n'a extrait avec une pince à épiler les phrases gênantes. Ce qui est très surprenant, c'est que ce n'est qu'au concile de Trente que ces textes ont été déclarés textes canoniques officiels de l'Église, même si avant on admettait couramment qu'ils étaient ceux de la Révélation.

S'il est certain qu'ils sont comme ils étaient au moment où ils ont été proposés, on connaît cependant mal ce qui s'est passé entre la mort de Jésus et leur rédaction. Le plus ancien de ces textes, je crois, est une lettre de saint Paul datée de l'année cinquante, cinquante-cinq, c'est-à-dire grosso modo, de vingt ans après la mort du Christ. C'est le texte le plus ancien; les Évangiles seraient plus tardifs.

Toujours dans votre livre, vous dites que lorsque s'est produite la séparation de l'âme et du corps, il y a eu rupture anthropologique. Pouvez-vous nous en parler ?

Ce qu'on a dit sur la nature humaine a évolué à travers l'Histoire, mais ce qui reste vrai, et c'est dit dans l'orthodoxie, c'est que l'homme est corps, âme et esprit. Dans cette tripartition de l'homme, l'esprit est la partie divine qui l'anime, et c'est cette partie qui est éternelle. L'âme, c'est le monde de la pensée et aussi le monde des sensations, des affections, des sensibilités. Et le corps, c'est naturellement le corps matériel. Dans la tradition catholique, on a plutôt parlé de corps et d'âme en les dissociant.

Au moment même où le mouvement scientifique de l'époque allait dans le sens d'une dissociation, d'une séparation de Dieu et de la nature. Repoussant Dieu toujours plus loin jusqu'à le faire sortir en quelque sorte de la nature. Alors qu'autrefois, on pensait que Dieu animait la nature, qu'il était immanent en même temps que transcendant. C'est d'ailleurs la théorie de saint Thomas d'Aquin. Mais petit à petit, il n'est plus devenu que transcendant et a perdu toute son immanence. Pour l'individu, c'était pareil. On a poussé l'âme en dehors, on a laissé le corps en plan et on a de plus en plus séparé les deux.

" Science sans conscience "...

Oui, c'était tout à fait cela. Ce mouvement a atteint son paroxysme avec Descartes qui lui voyait la nature et le corps comme une machine. Pour lui, un animal, un chien, c'était une machine. Il avait semble-t-il la marotte d'aller dans les boucheries et dans les abattoirs, et là, il regardait les tuyaux. Et il regardait comment marchait la machine... Et il l'a publié ! C'est extraordinaire qu'un homme si transcendant du point de vue de la pénétration de la pensée, ait pu considérer la nature, la bête et notre corps comme étant une machine. Il a sectionné l'âme du corps et il a sectionné la nature de Dieu, et la dimension immanente a disparu.

À partir du moment où la dimension immanente disparaît, on peut tout faire avec la nature et on peut aussi tout faire avec le corps, c'est-à-dire avec l'homme, puisqu'on ne peut pas les séparer. Puisque l'on peut tout faire avec, on se retrouve avec une science qui commence à faire de la vivisection, bricole et domine la nature, et fait des transpositions de gènes d'une espèce à une autre. Tout ceci est la conséquence profonde de la séparation qui s'est produite sous l'influence de Descartes, même si elle était engagée déjà un peu avant lui. C'est avec lui qu'elle s'est vraiment constituée et solidifiée et cela a permis les grandes conquêtes mais aussi les excès de la science moderne. Aujourd'hui cela justifie les bricolages génétiques que nous n'aurions jamais faits avant.

Quelqu'un qui aurait eu cette science au Moyen Âge et qui aurait fait du bricolage génétique, aurait été brûlé immédiatement parce qu'il aurait atteint au sacré. C'était absolument impensable. Notre souci est de reconstruire l'homme, et de remettre la nature à sa place comme étant le signe de la transcendance de Dieu, un signe visible qu'on peut toucher et appréhender facilement. Nous, écologistes, qui allons en quelque sorte à l'inverse de ce mouvement, ne pouvons être que très réticents quand on bricole la nature physique avec le nucléaire, quand on bricole la nature biologique avec les transpositions génétiques et quand on bricole la nature "âme intellectuelle" de l'homme avec les nouvelles technologies de communication, dont personne ne sait où elles nous mènent.

Je pense que la pollution de la nature est l'effet visible, la vraie cause étant la profanation de notre esprit. D'ailleurs, nous constatons que surnoisement la pollution mentale ne cesse de s'accroître.

Oui, cette rupture s'est faite intellectuellement, car la démarche de Descartes a d'abord été une démarche de philosophe. La rupture s'est d'abord faite au niveau de ses écrits et de sa pensée. Ensuite, elle ne s'est inscrite dans le temps et dans l'Histoire que par l'ensemble de ses successeurs. Néanmoins, cette grande rupture s'était déjà amorcée avant, avec Copernic et Galilée, à une période où science et évolution, qui faisaient un, subissaient un frottement très fort.

Avec Descartes, la science a un pouvoir et la religion en a un autre. Il y a donc deux pouvoirs face à face qui se confrontent, et l'objet de mon livre est de montrer qu'en fait ces deux pouvoirs sont aujourd'hui l'un et l'autre très fortement affaiblis, y compris l'un par rapport à l'autre, de sorte que ces deux pouvoirs sont condamnés à être humbles et respectueux envers d'autres pouvoirs. Nous ne sommes plus à la l'époque du scientisme de la fin du siècle dernier, où la science affichait par exemple, sa victoire définitive et éternelle sur les croyances et sur la spiritualité, considérées comme des vestiges de l'obscurantisme qui devaient complètement disparaître au XXe siècle. Cela ne s'est pas passé ainsi, car c'est la science elle-même qui fut remise en question par toutes sortes de découvertes que je raconte dans ce livre.

Il y a dans votre livre cette magnifique histoire à propos des cocotiers des Seychelles... Voulez-vous nous en parler ?

Vous parlez de cette grosse noix de coco qui est là sur mon bureau ? C'est un "coco-fesse" qui ressemble exactement à une paire de fesses. Celui-ci a été poli et verni mais j'en ai vu de beaucoup plus gros encore. Ce coco-fesse a une caractéristique plutôt féminine mais lorsqu'il fait son germe, il devient alors totalement masculin et complètement obscène. Il n'existe que sur une seule île des Seychelles, l'île de Pralin.

Serait-il un sédentaire qui n'aime pas les voyages ?

Il coule dans la mer et c'est pour ça qu'il est resté sur son île. C'est ce qu'on appelle un endémique. Tandis que la noix de coco normale flotte sur l'eau et peut voyager d'île en île. J'ai comparé la noix de coco avec la dissémination du christianisme par saint Paul (rires), d'îles en îles et de naufrages en naufrages d'ailleurs, parce que c'est vrai que la noix de coco fait naufrage sur les îles puisqu'elle est faite pour nager. Et j'ai comparé le coco-fesse à ce qu'a été le judaïsme pendant toute sa grande période avant Jésus Christ, lorsqu'il est resté sur place en Palestine et n'a pratiquement pas bougé. Il n'a bougé qu'après la diaspora...

Et si nous revenions à la rupture dont nous parlions auparavant ?

Je crois qu'à partir du moment où la dimension immanente ne trouble plus l'esprit des scientifiques, les choses se passent alors entre l'homme et la nature, selon des rapports de force. Ces rapports ont toujours existé. Il y a toujours eu des catastrophes naturelles, des inondations, des irruptions volcaniques qui faisaient que si la nature était pourvoyeuse de biens, d'alimentation, de beauté, de fibres textiles, de parfums, enfin de tout ce dont l'homme a besoin, elle pouvait également être sévère, cruelle, dangereuse. Il y avait en quelque sorte un équilibre entre l'homme et la nature et les hommes avaient du respect pour la nature. Ils ont d'ailleurs investi beaucoup de croyances en des divinités correspondant aux arbres, aux rochers, aux plantes, aux animaux.

À partir du moment où toute la dimension sacrée disparaît et où par conséquent, dans ce rapport de force, l'homme peut agir à sa guise en devenant de plus en plus puissant grâce à ses moyens technologiques et à ses connaissances scientifiques, il ne respecte plus la nature. Parce qu'il considère qu'elle est à son service et qu'elle doit être dominée, dans le sens dur du terme.

Peut-on penser que l'abandon de ce sentiment sacré de la nature qui interdit à l'homme de la toucher et, le fait renoncer à agir, à la modeler, à la dompter, puisse être salutaire à un moment donné de l'Histoire ?

On peut dire que c'est un problème qui n'a pas été résolu. En fait, nous n'avons trouvé ni les moyens d'un équilibre, ni même l'éthique d'un équilibre. L'écologie propose une éthique en vue d'un équilibre -- étant entendu que s'il n'y a pas d'équilibre, personne ne sait ce qu'il adviendra aux siècles futurs. On voit simplement ce qui arrive à notre siècle. On voit bien qu'en cinquante ans, c'est-à-dire, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on a réduit de moitié les forêts tropicales humides. Ça c'est un fait précis, et si ça continue...

Mais je suis considéré comme un archétype ancien à mettre au muséum. C'est d'autant plus paradoxal en biologie, qu'on entend des incantations à longueur de journée sur toutes les ondes du monde scientifique en faveur de la bio-diversité : " Protégez la bio-diversité, conservez les papillons et les espèces de plantes perdues au fin fond de l'Amazonie..." Au sommet de Rio, on a pondu un texte impressionnant sur la bio-diversité, que les 126 chefs d'État ont signé. C'était un des fers de lance du Sommet, et depuis lors, toute la littérature écologique ne parle que de bio-diversité. Or il n'y a plus personne qui reconnaisse une plante d'Amazonie.

On ne forme plus personne qui soit capable de travailler sur une plante toute entière et de voir si elle appartient à telle ou telle famille botanique, qui sait quel nom on pourrait lui donner et si elle a été bien nommée lors de sa découverte. Personne n'est plus formé et pourtant, on ne parle que de ça ! Il y a des paradoxes extraordinaires dans ma discipline.

Et si on parlait du christianisme et de sa loi d'Amour, c'est-à-dire de la loi du plus faible ?

Oui, je vois où vous me menez et je vous suis... (rires). Ce qu'on peut dire à ce sujet n'est qu'une petite goutte d'eau dans l'océan des choses qui seraient à dire. Le christianisme, en tout cas, n'est pas la loi du plus fort. Les Béatitudes, c'est la loi du plus faible, parce qu'il y a ce paradoxe qu'elles sont toutes tournées à l'envers : ce n'est pas " bienheureux les bien portants", c'est "bienheureux ceux qui souffrent", ce n'est pas "bienheureux ceux qui sont heureux et qui rigolent", mais " bienheureux ceux qui pleurent"; ce n'est pas "bienheureux ceux qui sont riches", mais "bienheureux ceux qui sont pauvres", etc.

C'est à chaque fois un renversement. Ce n'est pas "bienheureux ceux qui sont bien avec leur juge" -- puisque c'est très important par les temps qui courent d'être bien avec son juge -- non, c'est "bienheureux les persécutés". Voilà, ce renversement est, je crois, ce qu'il y a de plus profondément significatif dans le christianisme qui est une dialectique nettement plus subtile que celle qui a fait taire les trois interlocuteurs du Vatican l'autre jour à la télévision. Ils étaient à un rang inférieur du christianisme parce qu'ils manipulaient très mal la dialectique de fond, qui est justement un retournement complet.

Ce retournement on le retrouve dans l'évolution de la matière, de la biologie et de l'esprit, où il y a toujours des forces compétitives, comme la lutte pour la vie et le "chacun pour soi" du capitalisme, avec en face des systèmes de symbiose, des systèmes de solidarité où le Je est remplacé par le Nous . Le Nous a aussi sa place dans une société. La Sécurité sociale c'est un Nous par rapport au Je qui est... je ne sais pas... la multinationale lambda. La Shell c'est un Je, tandis que la Sécu, c'est un Nous, et au fur et à mesure que la société humaine évolue, ce Nous se renforce. Dans le christianisme, il devient très fort.

C'est : "Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés", ou, "Aimez votre prochain comme vous- même." Ce "Aimez votre prochain comme vous- même" est, je crois, une phrase tout à fait clé parce qu'on ne dit pas "Aimez votre prochain plus que vous même", avec tout le dolorisme du Christianisme depuis des siècles, où il faut se flageller. Dès lors qu'il n'est pas bon de flageller son prochain, il n'est pas bon de se flageller soi-même. Donc, peut-être que cet âge du christianisme est fini, parce qu'on peut tout à fait imaginer que le christianisme ait plusieurs âges. L'Évangile n'est pas lié à un moment donné, le Christ pourrait dire son message demain matin et il serait tout aussi éternel qu'il l'est encore en étant venu il y a deux mille ans.

Il n'est jamais parti...

Tout à fait, il n'est jamais parti ! (Rires). Ce message, qui est si fort dans les Béatitudes, doit rencontrer aussi l'évolution sociale et je ne peux pas croire un instant que le capitalisme ne mourra pas avant la fin du siècle prochain ...

Je pense qu'il va mourir tout au début du siècle... (rires).

Au début ? Ah vous êtes encore plus optimiste que moi ! On ne pourra pas perpétuellement vivre dans une société où il n'y aura que le "struggle for life", la lutte pour la vie, la concurrence internationale, la guerre économique -- avec les morts qu'elle fait sur le terrain, ces innombrables licenciés -- la modernisation à tout prix, la machine qui passe avant l'homme et la compétition acharnée.

Ce n'est pas viable à terme en tant qu'idéologie, et dans le double mouvement de la compétition et de la coopération, la coopération prend petit à petit le dessus. Ce mouvement de la coopération atteint son maximum dans Dieu même, parce que le Dieu chrétien est en trois personnes et les trois personnes s'aiment; et elles s'aiment tellement fort qu'elles ne sont pas en compétition. Il y a eu toutes les hérésies possibles et imaginables depuis les origines du christianisme sauf une : personne n'a jamais dit qu'il y avait des batailles entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit. (Rires) Il n'y a pas moi je, par rapport à ça, c'est à la fois l'unité dans la diversité et l'absolu de la coopération, donc de l'Amour.

C'est le modèle de la société en fait, petit à petit c'est à cela que l'on doit tendre, et c'est le thème de mon livre De l'univers à l'être, chez Fayard. En fait, c'était la première partie de Dieu de l'univers, science et foi. J'avais trouvé que c'était une première partie si cohérente et si longue que je l'avais enlevée et mise dans un tiroir, puis oubliée. Un jour, Isabelle me demande "mais que fait-on du livre qui est dans le tiroir ?" Je l'ai ressorti pour voir ce qu'il y avait dedans, et je me suis dit que cela faisait un livre à lui seul, on l'a bouclé et voilà.

Est-ce que pour vous, la manifestation de Dieu en l'homme c'est sa conscience ?

Oui, les Hébreux l'appelaient le coeur, mais pas le coeur physiologique; le coeur dans le sens où l'on dit "au coeur du problème", c'est-à-dire au centre...

Dans la présence...

Dans la présence au centre. Cette présence se manifeste en particulier pour tous par la conscience et je pense que la conscience doit être petit à petit en évolution, être de plus en plus consciente.

C'est-à-dire passer par exemple de l'étincelle à un buisson ardent ?

Oui, et pour l'Église qui cherche sa mission, il s'agit d'éduquer des consciences, mais aussi de les libérer, afin que la conscience soit assez forte et assez cohérente pour permettre de conduire chacun vers Dieu à travers les aléas de la vie. Je pensais aussi à ce qu'on disait tout à l'heure, à propos du coeur. Dans le coeur, il y a aussi l'affection; et le monde des clercs, non seulement celui des clercs ecclésiastiques mais aussi celui des clercs scientifiques, n'a pas de coeur.

Serait-ce à dire qu'ils manquent de tendresse et de miséricorde ?

Ils n'ont surtout pas de miséricorde. Je crois que c'est ce qui leur manque profondément. Si j'avais été cardinal -- mais je ne peux pas l'être avec mon caractère -- j'aurais répondu autrement, dans cette émission de télé, à ce prêtre de Montluçon et je lui aurais dit que ce qu'il fait est tout à fait remarquable, que je suis à côté de lui. Qu'on est non seulement deux, mais très nombreux. Enfin, j'aurais répondu tout à fait autrement que les intervenants de cette émission. Mais il n'y a pas de place suffisante pour la miséricorde lorsque l'intellect se développe seul, et qu'on est confronté à un intellectuel pur ou à un intellect chimiquement pur.

Deux religions opposées mais une même exclusion de la miséricorde ?

C'est exclu, et c'est exclu par les mêmes processus, de la même manière, parce que c'est une partie du cerveau qui s'est hypertrophiée, hyperdéveloppée et que les autres qualités humaines n'ont pas réussi à éclater, à exploser dans l'être. J'ai toujours remarqué une froideur chez des clercs et aussi une promptitude au jugement qui est souvent effrayante (rire). Parce qu'on ne peut pas juger, on ne doit pas et on ne peut pas juger.

Est-ce la fin de l'espèce humaine ou le début de la conscience, la vraie conscience ?

Eh bien je pense que nous allons avoir des soubresauts spectaculaires, nous allons vivre des années qui ne seront pas de tout repos et à moins d'aller vers les îles les plus reculées, les plus australes -- parce qu'il y fait très froid et qu'il n'y a pas beaucoup de monde -- on sera très agité, et l'agitation sera générale.

Et si on parlait de l'hypertrophie de l'hémisphère gauche au détriment du droit. En d'autres termes, comment peut-on être "scientifique" aujourd'hui, tout en étant métaphysicien ?

Moi, je parle d'après ce que je peux ressentir, et la manière dont j'imagine les choses et me les représente. Je ne pense pas que l'un exclut l'autre. Je ne pense pas que parce qu'on est scientifique on est fatalement pourvu d'un cerveau gauche hypertrophié et donc d'un cerveau droit tout à fait hypotrophié, réduit. Je ne crois pas et j'ai même l'impression, pour avoir vu et rencontré dans ma vie beaucoup de scientifiques et même des grands noms de la science, qu'à partir d'un certain temps, d'une certaine expérience et aussi d'un certain âge, il y a des synthèses qui se font. Il y a une vision beaucoup plus globale qui se fait, avec une certaine humilité, mais qui ne vient qu'après un certain temps. Ce n'est pas une fatalité de l'évolution. On ne peut pas dire que le pauvre Jacques Monod ait tout à coup fait preuve d'humilité avant la fin de sa vie.

D'après Hubert Curien qui raconte sa mort, il n'a fait preuve d'humilité que sur son lit de mort en disant : "Pourquoi, pourquoi ?" Ce sont les derniers mots qu'il ait prononcés. Donc peut-être était-il sensible au côté limité de son approche ? Mais j'ai vu beaucoup de scientifiques, dans mon domaine, en particulier des naturalistes, des gens qui étant en contact avec la Nature, sont plus doux d'approche que dans les sciences dures comme vous dites; des grands biologistes qui en même temps sont des gens qui croient en l'homme ou en Dieu, ou en les deux, sans qu'on ait l'impression qu'un cerveau ait chassé l'autre. Ce n'est pas du tout une fatalité ça, je ne crois pas. Ai-je répondu ?

En partie. Ce que je voulais dire, c'est qu'un certain nombre de chercheurs, notamment les astrophysiciens, sont confrontés à des problèmes "métaphysiques", néanmoins la communauté scientifique, sauf rare exception, persiste dans leur refus. Avez-vous rencontré des gens qui ont fait le saut ?

Premièrement, vous voyez plus de chercheurs que moi, parce que moi je suis en retraite. Il faut voir aussi dans quelle société on se situe ici. Quelqu'un qui passerait le pas, qui ferait le saut, prendrait le risque de se singulariser par rapport au paysage ambiant du CNRS ou de l'Université. Je pense à Madame Fusot Brecht, qui a fait un bouquin en tant que directeur du CNRS sur l'astrologie.

Elle a été fusillée. Elle n'est pas morte, mais moralement elle l'est presque. Je l'ai eue au téléphone quelques fois, ça n'a pas passé. Je crois qu'il y a un mimétisme qui joue très fort : on se fond consciemment ou inconsciemment avec la couleur moyenne du milieu et avoir la foi, pour un scientifique, n'est pas chose à dire. Un des scientifiques les plus bruyants de l'actualité, c'est M. Allège, à qui le journal Le Monde a posé cette question : "Avez-vous la foi ?" Sa réponse est très intéressante. Il a dit : "Naturellement non." C'est le naturellement que j'ai trouvé très intéressant, parce que s'il avait dit : " Naturellement, oui ", d'abord il n'aurait pas été dans Le Monde et de plus il ne serait pas l'homme qu'il est parce qu'il ne passerait pas dans les médias.

Moi je suis peut-être une exception, Rémy Chauvin est aussi une exception, nous sommes quelques exceptions. Mais nous avons assez de lucidité pour savoir que nous sommes des exceptions.

Vous n'êtes pas dans le "scientifiquement correct", vous cherchez le royaume de Dieu et peu vous importe le reste !

Je le sais, j'en suis totalement conscient. C'est plus au niveau de l'écosystème que se fait le changement qu'au niveau des personnes pour le moment. Il y a des remises en question de fond, de sorte que la position qui est actuellement majoritaire chez les scientifiques, deviendra minoritaire. Ce sont eux qui seront obligés de changer parce qu'ils seront eux-mêmes isolés par rapport à l'ambiance générale.

Les anciens référentiels finiront par disparaître.

Oui, je le sens comme ça. Mais je ne la connais plus du tout la génération majoritaire à laquelle vous faites allusion -- disons des quarante-cinquante-cinq ans -- parce que j'ai connu des gens qui étaient toujours plus âgés que moi. Et maintenant je connais des gens qui sont beaucoup plus jeunes que moi, car je navigue beaucoup dans la génération des trente ans. Cette génération est tout à fait différente et si elle ne se pose pas des problèmes métaphysiques, elle les ressent spontanément.

Elle est spontanément intéressée par le problème des croyances. Qu'il y ait des changements profonds de comportements ressort du domaine de l'évolution. Mais on ne sait pas pourquoi. Qui peut dire pourquoi, semble-t-il, les Américains, en moyenne, font deux fois moins l'amour qu'il y a quinze ans ? Il y a plusieurs études que j'ai vues là-dessus, mais personne ne peut l'expliquer. Cela échappe à toute rationalité. Ce sont des phénomènes globaux de régulation, des effets de groupe, des choses très mal appréhendées par la science et qui jouent beaucoup. Chez les vingt-trente ans, ces questions sont des questions d'actualité qu'ils se posent spontanément. Ils ne seront pas forcément attirés par le rituel catholique tel qu'on l'a vu, ils passent dessus tout de suite, et cela ne leur pose aucun problème. Mais sur le fond, ils sont dans le fond, ils sont au fond de la cuvette, voilà.

Pour revenir au monde scientifique, je dirais qu'il est centré sur lui-même, très peu embrayé sur le quotidien de la vie, très technicisé, technocratisé. Il y a les technocrates de la science à qui il ne faut pas déplaire, qui sont tout puissants et qui pendant trente ans ont géré la science française. Il fallait plaire à ces gens-là, et avoir une couleur différente était plutôt négativement perçu. Mais ça changera, ce sont les restes du scientisme. Le "Naturellement, non" est tout à fait significatif c'est la réponse qui convient. C'était la bonne réponse, et je me suis dit : "Bravo, tu as donné la bonne réponse !"

Même si apparemment tout semble aller mal, je perçois cela plutôt comme un processus alchimique de l'oeuvre au noir d'où émerge l'homme nouveau. La renaissance de l'homme en quelque sorte.

Oui, je pense qu'on est un peu comme à la période de la Renaissance, en plus serré. Ça va plus vite qu'à la Renaissance parce que toutes les techniques sont très rapides, parce que le monde évolue, les idées se communiquent très rapidement. Mais le monde industriel, qui est né grosso modo au début du siècle dernier, est en train de mourir sous nos yeux. C'est une mort qui fait du bruit, ça ne se fait pas sans mal, ça fait beaucoup de victimes, c'est comme un état de guerre. Ce monde industriel est fini. C'est vrai que si vous allez à Sollac, ici à côté de chez nous, il y a trente ans, il y avait cinq cents personnes dans le grand atelier. Maintenant il y en a trois parce que ce sont les machines qui font le boulot. Le monde industriel en tant que tel, qui employait beaucoup de main- d'oeuvre et qui était l'activité dominante de la société, est fini et on ne sait pas encore comment sera le monde post-industriel, parce qu'on ne l'a pas encore construit. On est en période de transition.

Il est fort probable qu'il sera conscientiel ...

Je pense que c'est ce qui émergera, probablement. J'en suis même sûr. Mais ce que je ne sais pas, c'est avec quels dégâts. Nous ne sommes pas capables de le prévoir. Ici, en Lorraine, c'est frappant. C'est une région qui a été entièrement industrialisée et qui à un moment donné a été le Texas français, la région qui produisait l'acier, le charbon, les matériaux les plus utiles pour toute la société. Il n'en reste plus rien. Je crois que le matérialisme néo-libéral ou le capitalisme mourront aussi et que nous aurons des formes de production tout à fait différentes, de types mutuelles ou P.M.E. Plus petites, plus régionalisées. Même si les boîtes se rachètent les unes les autres, si elles grossissent toujours plus, et si la tendance est d'aller vers une seule multinationale mondiale.

Comme je le dis toujours, il y a des contagions de toutes parts, pourquoi n'y aurait-il pas de contagion conscientielle ? À un moment ou à un autre, l'humain sera une réalité sur cette Terre.

C'est ce que j'appelle la post-modernité, la modernité c'est la phase adolescente où on s'oppose au père, donc on a des réactions de rejets. Mais après l'adolescence, on passe dans une phase de maturité et cette maturité, c'est la post-modernité. Les valeurs de la modernité sont des valeurs où l'on se pose en s'opposant comme le fait un adolescent, dans le sens hégélien du terme. Dans la phase suivante de la post-modernité vous avez toutes les valeurs de la modernité, plus l'abandon à Dieu, parce que vous vous êtes réconcilié avec votre père, vous n'êtes plus fâché avec vos parents.

Donc le moment de la réconciliation est arrivé ! (Rires)

Oui, voila, c'est une bonne conclusion. (Rires)


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