Marie-
Thérèse de Brosses (suite et fin)
Un mécanisme qu'il serait essentiel de connaître pour
sortir de
l'impasse où l'histoire se serait malencontreusement
fourvoyée,
s'il est vrai, comme l'affirme Elias Canetti, "qu'au-delà
d'un
certain point précis du temps, l'histoire n'a plus
été
réelle. Sans s'en rendre compte, la totalité du genre
humain
aurait soudain quitté la réalité. Tout ce qui
se serait
passé depuis lors ne serait plus du tout vrai, mais nous ne
pourrions
pas nous en rendre compte. Notre tâche et notre devoir
seraient à
présent de découvrir ce point et, tant que nous ne le
tiendrons
pas, il nous faudra persévérer dans la destruction
actuelle."
Pour Dominique Aubier, la chose est claire : la dérive
s'est
amorcée le 13 juillet 1967 lorsque le gouvernement
Pompidou a
créé l' A.N.P.E. La crise aurait vécu là
son
occasion superbe : le droit de croître et d'embellir, alors que
c'était le moment - le dernier moment inscrit à
l'almanach du
temps - pour sauver la vie. Il faut lire Le Réel au
pouvoir,
même si ce texte nous fait souffrir dans le sens que nous
chérissons du confort relationnel. Notre brave dame -
soixante douze ans
vécus sans peur et sans compromission - tient sa mire
braquée sur
un seul objectif : le message du salut.
En quoi consisterait-il ?
D. A. : "À changer de pied. À faire comme le
montrent les
métaphores scientifiques appelées en exemple :
quitter le secteur
que détruit l'insistance du chaos et gagner le territoire
où
règne l'ordre."
En termes de conviction intellectuelle, qu'est-ce à
dire ?
D. A. : "Rien de plus que ceci : déserter la région
mentale
qui a produit le chaos et chercher refuge dans celle qui a toujours
disposé des secrets de l'ordre. Le rationalisme scientifique
et
industriel est arrivé à son point d'évolution
maximale. Il
faut recourir désormais au sacré et à sa
doctrine".
Se tourner vers le sacré et lui emprunter sa doctrine : tel
serait le message idéal, si le diagnostic de Dominique
Aubier est juste,
lorsqu'elle voit dans l'insistance évolutive trompée,
qui serait
celle de notre civilisation matérialiste, la source de la
crise.
Appelant à son aide ces nouveaux ministres de la
vérité
que sont les descriptions scientifiques devenues
irrévocables, la
kabbaliste crie bien haut qu'il est temps de tourner bride et de
courir au
sacré pour lui demander secours. Mais nos facultés
de comprendre
ne peuvent se libérer des contraintes propres à
l'époque.
En 1994, l'art de communiquer se fonde sur les données
objectives. Ce
sont là les seuls appuis sur lesquels compter pour obtenir
l'adhésion des esprits et faire consensus.
Notre auteur le sait bien : pour établir sa thèse, elle
en
appelle aux vérités solidement établies par
nos savants.
La doctrine du sacré doit répondre à
l'exigence des
modalités de penser modernes. C'est une condition sine qua
non. Une
doctrine inaccessible n'aurait aucune puissance de
communication.
Pour satisfaire à l'urgence de recourir au sacré -
sans
éviter la revendication de la conscience vivante qui est de
comprendre
rationnellement - il faudrait que la doctrine salvatrice se
présente
dans les formes acceptables pour nos manières de penser. Il
ne suffit
pas de proclamer la "force salvifique du vrai" comme l'a fait Jean-
Paul II dans
son encyclique Veritatis splendor, il faut que le vrai veuille
bien
descendre à la rue et y courir, si j'ose dire, en jeans et
tête
nue.
Soumettant la doctrine du sacré à l'actualisation
nécessaire, La Face cachée du cerveau met en
relief les
critères défendus depuis toujours par les traditions,
les
mythologies, les religions, et les philosophies branchées
sur la
connaissance initiatique. Dans ce gros ouvrage (plus de 600 pages),
les lois
qui fondent la spiritualité sont passées au filtre de
la
rationalisation.
Qu'on les appelle archétypes ou présences, elles
deviennent
intelligibles dès que l'auteur expose de quelle structure et
de quel
système elles sont les propriétés.
Il ne suffit pas de croire, comme nous y invitent d'ailleurs plus d'un
scientifique, de David Bohm à Michel Bounias, en passant
par
David Peat, Jacques Ruffié et autres experts, qu'il existe un
"motif
unique" sur lequel la nature travaillerait, reprenant sans cesse le
même
canevas pour inventer le complexe et la montée incessante
de la
diversité. Il faut surtout savoir quelle est l'identité
et la
qualité spécifique (j'allais dire la
spécialité
professionnelle) de ce principe d'unité.
Consciente qu'il n'est d'autre moyen d'entrer dans le vif du
débat,
Dominique Aubier pose en chapô - comme nous disons
en langage de
journaliste - la déclaration d'identité du principe
fondateur, ce
principe d'unité pressenti dans l'expression "motif unique"
et
désigné sous d'autres vocables selon qu'il est vu de
près
ou de loin.
Certains mathématiciens, Raul Mendez par exemple,
n'hésitent pas
à parler de "modèle absolu". "Principe
d'unité" honore
l'idée qu'il y ait véritablement une "mise" initiale
dont le Tout
serait la cause du découpage de la réalité en
"unités" reliées entre elles par la similitude
fondamentale de
cette donnée. "Principe de réalité" ajoute
l'idée
que nous avons bien affaire à ce "moule", (terme
employé par
Michel Bounias). Mais ce sont là des approximations.
Ni craintive, ni patiente, Dominique Aubier passe outre : elle va
droit au
poste culturel que le principe de réalité a mis en
place de
lui-même pour faire connaître son identité. La
tradition
hébraïque, la Kabbale, pour l'appeler par son nom, est
le "bureau"
chargé de délivrer l'acte de naissance du motif
unique.
C'est donc là que notre auteur a posé la Question des
questions,
et obtenu cette réponse : le motif unique est d'essence
corticale, il a
été conçu comme un cerveau doué de
parole et
partout la nature déploie des entités
réflexives qui sont
autant de "sphères d'intelligence" comme disait
Maïmonide. L'auteur
l'appelle par son petit nom, son nom de baptême au sens
initiatique du
terme: Rosch.
C'est par ce mot que l'hébreu, langue essentielle,
désigne le
principe qui fit commencement. Le traduire par "Tête" est
insuffisant.
Prenant ses directives sur la symbolique de l'alphabet
hébraïque,
l'auteur appelle Rosch le motif unique
considéré dans sa
signification structurale, et système Aleph, le
même
principe de réalité, saisi dans sa fonction de
logiciel
universel.
L'allusion à l'informatique n'est pas de trop. Il semble bien
que le
Dieu dont parle Dominique Aubier soit véritablement
l'Informaticien en
chef...
Mais laissons pour l'instant cet aspect du message.
L'information Rosch-système Aleph suffit : elle permet
à
Dominique Aubier de se saisir des critères symboliquement
prônés par diverses traditions comme faisant partie
de leur corpus
doctrinal. Les mêmes schémas se
répètent d'une
tradition à l'autre, les sciences humaines l'ont
observé. Les
similitudes de concept sont visibles sous la variété
des
dénominations.
Il est aisé de faire ressortir ces similitudes et de les
confronter aux
données objectives décrivant le cerveau, en termes
d'anatomie et
de physiologie cérébrales. La neurologie moderne
offre
l'énorme complexité de son savoir, il suffit d'en
utiliser les
éléments. La science médicale agit alors en
"détaillant", là où les traditions sont en
quelque sorte
des "grossistes" et consignent les schémas fondamentaux.
La science
rassemble les faits qui se sont déposés dans la
réalité.
Les particules du savoir objectif se comportent à l'instar
de la
limaille de fer sur les lignes d'un champ magnétique : elles
se rangent
sur les courbes tracées par les critères initiatiques.
Tel est le
travail accompli par et dans La Face cachée du
cerveau .
Un travail adapté aux "temps difficiles". Pour
accéder au
sacré et bénéficier concrètement de
"la force
salvifique du vrai", les abords ont été
déblayés. Le code est à jour. Son
universalité est
démontrée.
Le système dont il exprime les lois est accessible en
langage moderne.
Même si, pour s'installer dans l'actualité, il a fallu
s'enfoncer
dans l'épaisseur des discours scientifiques, lesquels ne
sont pas
toujours plaisants, le Gai Savoir reprend très vite son style
et son
allure.
La légèreté revient lorsqu'on a admis que les
critères classifiés dans La Face cachée du
cerveau
sont fondés, sans qu'il soit nécessaire de
recommencer
l'enquête ayant conduit à cette conviction.
Reste à vérifier que ces archétypes sont bien
les lois
universelles que la conscience humaine a besoin de s'approprier
pour s'accorder
à la nature.
* La Face cachée du cerveau constituait le premier
volume d'une
trilogie dont le deuxième - L'Ordre cosmique ou
Comment Dieu
se fait penser - vient tout juste d'être publié.
Faisant
preuve d'une témérité propre aux
néophytes, notre
auteur se lance dans une équipée raisonneuse des
plus ardues :
affronter l'énigme du cosmos à l'aide des lois qu'elle
a
montées en épingle, tout en contactant sans cesse le
savoir
objectif comme élément de preuve. La table des
archétypes
dressée dans La Face cachée du cerveau offre
alors une
grille de lecture révélant l'identité du
cosmos.
Gageure, semble-t-il, pour une personne qui n'arbore pas sur la
poitrine le
badge de la garantie universitaire ou professionnelle. Plus encore,
puisque
femme, elle appartiendrait au prolétariat qui, sur le plan
intellectuel
comme sur son bulletin de salaire, n'a pas encore conquis
l'égalité avec le clan de la virilité.
Fallait-il, justement, la candeur sans borne du novice pour se
lancer dans une
telle entreprise ?
Qui s'en plaindrait ?
En guise d'intrigue romanesque, apparaît tout au long de ce
livre la
situation extraordinaire du cosmos. À l'intérieur du
Rosch
Primordial, du principe Tête lancé comme motif
créateur,
notre Univers ne serait qu'un seul hémisphère. Et pas
le meilleur
!
Tout cortex est formé de deux masses symétriques
accolées
par leur bord interne. La moitié la plus importante, celle qui
reçoit la faculté de parler en la zone de phonation
(aire de
Wernicke et aire de Broca) est - selon la terminologie
proposée par le
Russe V. Deglin - l'hémisphère "qui sait". L'autre
partie
intègre les informations délivrées par son
homologue et
les adapte aux trois dimensions de l'espace, donnant ainsi place
à la
représentation concrète des choses : c'est
l'hémisphère "qui fait".
Présentant le modèle absolu comme un cortex
doué de
parole, notre analogiste fait apparaître, par un jeu de
comparaison entre
le semblable et le semblable, que notre cosmos est
l'hémisphère
"qui fait" d'une unité primordiale dont le "qui sait" est
resté
de l'autre côté, à l'état irradiant de
pur
système.
Dans sa fonction de vrille perçant l'inconnu, la Science a
subodoré l'existence d'un grand Ailleurs : la théorie
des univers
parallèles n'est pas loin de celle que Dominique Aubier
dégage
des implications du langage biblique. Mais passons !
Passons à l'essentiel, à cette notion de base que
l'Univers soit
matériel et seulement matériel car il est
l'hémisphère matérialisant à
l'état de pure
définition. C'est dans une telle entité que nous
vivons,
parqués sur une sorte de neurone, la planète, notre
Terre dont un
livre nous dit que nous n'avons plus que 5000 jours pour la sauver
(Edward
Goldsmith, Peter Bunyard, Nicholas Hildyard, Patrick McCully, 5000
jours pour
sauver la planète, éditions France-Loisirs, Paris,
1991).
Trois ans (plus d'un cinquième du délai
prévu) ont
déjà été perdus ! On comprend en quoi
consiste
l'acuité d'un discours nous donnant à voir la nature
de notre
implantation sur la seule et unique planète du
système solaire
où la vie se soit organisée !
Comment scruter avec efficacité la difficulté
spécifique
à notre époque sans commencer par voir clair dans
ce qui est,
pour nous êtres humains, la condition initiale ? Il ne suffit
pas
d'habiter la Terre, il faut savoir l'entourer d'une couche vivante de
conscience humaine.
Le cosmos est ce qu'il est. Mais dans un cortex, deux sortes
d'évolutions sont à considérer : celle qui
façonne
l'organe, et celle qui inaugure le dynamisme fonctionnel dans
l'organe en cours
de construction. Par là où elle est une parcelle de la
matérialité organique du cosmos, la Terre est un
support, une
cellule.
L'énergie qui anime un cerveau doit la frapper pour qu'il y
ait
activité fonctionnelle. La vie sur Terre serait le fruit de ce
dynamisme. L'évolution générale, cette
évolution
qui construit tour à tour le minéral, le
végétal,
l'animal et l'humain, serait le produit rythmé d'une
énergie
ambulante conduite par un archétype.
Cette superbe construction, dont l'homme est le couronnement, se
serait
formée sur la lancée d'un premier échange
latéral
entre le "qui sait" et le "qui fait" du Rosch primordial. Cette
entité
fondatrice ne fonctionnerait que sur les commandes du
système Aleph,
logiciel d'une performance insurclassable et dont notre propre
informatique
reproduirait de loin le génie. Rien d'autre ne
mènerait le grand
jeu de l'Univers, seulement les archétypes du
modèle absolu.
De tout temps, cette lecture de l'Univers a été le
fait des
initiés ; aujourd'hui, elle trouve mille et une confirmations
dans le
savoir objectif. Décryptée par les moyens du
système
Aleph, l'hypothèse biblique semble corroborée par
les
découvertes scientifiques les plus fines, elle est en
résonance
avec les théories scientifiques les plus abstraites et les
plus
subtiles.
Dans ces conditions, la prendre au sérieux c'est
considérer, en
totale concordance avec le principe anthropique fort, l'apparition
de l'homme
comme le résultat d'un projet initial. Dès sa "mise
en
être" - en même temps que "sa mise en marche" -
l'Univers savait
que l'homme viendrait, que la conscience serait en lui. Qu'en est-il,
dès lors, de nos êtres ? Qu'est-ce que la conscience,
et quelle
est sa mission ?
En cela se résume le message le plus aigu que veuille
passer l'ordre
cosmique : notre mission, celle de la conscience dont nous
sommes les
glorieux porteurs, serait de prendre note, une fois pour toutes, du
conditionnement systémique mis en oeuvre par le principe
de
réalité. Réaliser la performance
intellectuelle de
comprendre le réel en fonction du système qui l'a
suscité
et continue de le susciter. Autrement dit, retrouver le
système Aleph.
Et c'est là sans doute que résiderait le danger actuel
: rien,
dans la culture en mouvement sur le globe, ou presque rien, ne se
révèle propice à une telle cause. D'où
le
mécontentement dramatique du Rosch primordial.
L'idée qu'il porte
en tête ne trouverait pas son issue.
Les forces constructives qui sont à l'origine de la
rationalité,
de la science, de l'industrie et des méfaits, toutes les
pollutions qui
s'ensuivent, ne permettraient pas l'éclosion de la
vérité.
L'homme serait la première victime de cet engagement
outrancier dans un
mécanisme évolutif que la structure Rosch et le
système
Aleph recommandent de ne pas vivre.
Il ne s'agit pas de revenir en arrière, (encore que, lorsqu'on
a commis
une erreur, il faille repartir du point même où la
tromperie s'est
créée), mais de très vite - très,
très vite
! - réaliser la performance demandée par l'ordre des
choses :
instituer la vérité afin que les forces salvifiques
agissent au
service de l'humanité sur Terre d'abord, pour que
l'évolution
cosmique continue ensuite.
Pour la vie future du cosmos, pour l'avenir de l'Univers, rien n'est
plus utile
que l'ajustement susceptible de faire "philosophie
planétaire" à
partir de la doctrine du sacré, remontée à
son niveau
messianique, grâce aux sciences et aux forces de
démonstration
qu'elles libèrent. Dans cette entreprise, le rôle de la
conscience
est primordial.
Actuellement, l'être humain est ce qu'il y a de plus
précieux
dans l'Univers. La possession de la conscience nous assigne
l'obligation
d'être des partenaires responsables au sein de la
Création.
Inutile de compter sur les petits hommes verts (aujourd'hui
devenus "petits
gris") pour nous éviter la tâche d'apprendre le
système
Aleph et de vivre en fonction de ses archétypes.
Il n'y aura d'avenir capable de peupler l'Univers qu'au prix de notre
propre
intercession.
Elle est à réaliser aujourd'hui. Tout de
suite.
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