Gilles Farcet
Les temps sont toujours difficiles. Toujours. Parce que vivre est difficile,
ô combien!
Il y faut tant de foi, d'écoute, d'enracinement - tant de volonté
d'apprendre, d'apprendre encore et encore...
Bas le masque, bas les protections, au diable ma minuscule image, fût-ce
celle d'un homme sage... Vais-je consentir à apprendre ?
Vivre exige tant... Tant de vigueur et de rigueur.
Nos parents, parfois, nous ont légué de la force - Ils nous ont
souvent transmis bien des faiblesses. Faiblesses sur lesquelles il nous
appartient, à foulées de fourmi, de gagner du terrain.
Voilà qui n'est pas rien.
Oui, vivre est difficile, et les temps sont à jamais durs.
Mais la vie, elle est facile.
Comme l'est ma respiration, ce souffle qui, malgré moi, me meut, alors
même que je sommeille.
Et l'instant, lui, se rit des temps. Il ne les ignore ni ne les méprise;
il les précède et les surplombe.
Il est réel, tandis qu'eux - "les temps", "l'époque" - ne sont
jamais qu'une abstraction à laquelle chacun confère plus ou moins
de poids.
Alors la bonne nouvelle ?
C'est que la lumière luit, de toute éternité, au
tréfonds de mes ténèbres.
Elle luit, elle est là.
Elle se savoure elle-même et elle attend son heure, nichée tout
bas, au creux de moi.
Posément, elle me guette.
Car son règne viendra. Elle sait que se lèvera son aube en mon
intimité troublée.
Elle n'a crainte, elle est là.
Comme elle est patiente, la lumière !
En elle est l'unique bonne nouvelle. Et si les temps, toujours,
s'avèrent âpres et sombres, ne serait-ce pour encore aviver son
éclat ?
Le jour nu resplendit de sa vive beauté; mais la clarté montante
au sein de la noirceur a le goût fulgurant de l'eau dans le
désert.
Plus les temps s'obstinent à être difficiles, plus la
lumière me sollicite. La voici qui se fait tendre, et la
sécheresse des jours me pousse à enfin débusquer, au
détour de mes pensées, de mes passions et autres songes, l'audace
d'aller me perdre et me trouver en elle.
La lumière m'éclaire, elle est là. Jamais elle ne s'est
absentée.
J'admets qu'il soit dur de perdre pour gagner;
de se désenclaver des temps afin de s'offrir à l'instant;
de lâcher prise sur le vivre afin d'acquiescer à la vie;
je l'admets et je le sais bien.
Mais là se cache la beauté - beauté cachée,
secrète beauté - de cette difficulté que l'on nomme
existence.
Voilà la bonne nouvelle pour des temps difficiles.
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