Rencontre avec des coeurs remarquables :
Xavier Emmanuelli
Ancien médecin de la prison de Fleury-Mérogis, dirigeant
actuellement l'antenne médicale du Centre d'accueil des S.D.F à
Nanterre. Président d'honneur de Médecins sans
frontières, ancien pionnier des temps glorieux du SAMU, il a
lancé depuis un an à Paris une organisation qui bouleverse les
lourdeurs de l'action administrative concernant les exclus : le SAMU SOCIAL.
Les Humains associés : Vous avez écrit : "Voici donc venue
l'époque où les anges vont avoir à se montrer à
visage découvert" (in Dernier avis avant la fin du monde, aux
éditions Albin Michel, Paris, 1994). Que signifie exactement cela pour
vous ? Xavier Emmanuelli : D'abord, le postulat est que je crois qu'il y
a des messagers et des esprits intermédiaires entre l'homme et
l'universel.
Autant dire que je crois aux anges, et je pense que tous les hommes de toutes
les religions et de toutes les sociétés ont toujours senti et
compris la présence de ces messagers.
Comme nous sommes à une époque de grande apostasie - d'abandon de
la foi - une époque qui se défait, perd ses repères
structurants et ses liens avec l'universel, il n'y a plus d'obstacles : nous
allons être obligés de les voir, ils vont être
obligés de se manifester, et presque à découvert.
Ils sont là et, entre eux et notre perception, il n'y a plus rien qui
empêche leur manifestation.
Comment cela se traduit-il ? Il y a de plus en plus de signes... Nous
avons traversé une période très positiviste et très
matérialiste, ne croyant qu'aux événements qui
s'enchaînaient avec des relations de cause à effet.
Et voilà que, de plus en plus, on voit apparaître des
événements prodigieux qui ne sont pas liés, apparemment,
par des liens de causalité mais par des liens de convergence, ou de
coïncidence.
Comme le fait la poésie par exemple. Et, bizarrement, c'est aussi cette
culture que véhicule la télévision : elle fait
apparaître des événements sans causes et sans racines les
uns avec les autres.
Elle montre une sorte de moment présent qui habitue nos
mentalités à percevoir différemment le monde. Ce que l'on
appelle des "signes" ou des événements sans liens apparents - qui
ne sont pas chaotiques parce qu'ils aiment arriver ensemble - c'est ce langage
qui va de plus en plus s'exprimer. Voilà, c'est le domaine des
anges...
Christian Bobin, dans Le Très-bas, dit à
François d'Assise : "Je ne te demande pas d'être parfait, je te
demande d'être un amant". Cela m'a profondément touchée,
quand vous parlez de cet homme qui se dénude pour prendre sa douche,
vous avez un regard christique. J'ai l'impression que même ceux qui
disent croire en Dieu, croient plutôt en un Dieu vainqueur et
tout-puissant. Ils n'ont pas compris que Dieu peut être tout petit,
manifesté dans l'homme, là où nous en avons le plus
besoin. Cette manifestation, c'est ce Dieu qui a aussi besoin de nous
... Je suis totalement d'accord ! C'est l'énigme : c'est le Dieu
de la toute puissance et de l'Infini, et en même temps, c'est
l'extrême naïveté, l'extrême candeur dans les toutes
petites choses.
Une extrême fraîcheur. C'est ce que dit Lévinas : vous avez
un garçon et une fille sur un banc, ils font un geste. Si on veut, cela
peut être une demande audacieuse. Mais cela peut aussi être un
geste par hasard, et il ne s'est rien passé. Tout dépend de la
bonne volonté et de l'un et de l'autre de comprendre ce qui se passe.
Un diplomate rencontre un chef d'État, et il envoie un message dans
lequel il peut se retirer aussitôt après l'avoir formulé,
tout dépendra de la réception de l'autre, et de ce qu'il a envie
de comprendre.
C'est le Dieu qui se manifeste dans le buisson ardent, qui peut aussi bien
être un feu de hasard qu'un feu d'illusion.
C'est ce Dieu timide qui se retire aussitôt après qu'il se soit
manifesté. Je le crois, c'est le Dieu des petits. J'ai mis du temps
à comprendre que cela ne pouvait pas être le Dieu des batailles ou
le Dieu d'Hollywood !
Y a-t-il une image de Dieu qui apparaît maintenant, une certaine
vision nouvelle ou ancienne qui émerge plus qu'une autre ? Il est
toujours le même. Parmi ces extrêmement pauvres que je rencontre,
il y a les gens qui sont déchus, l'alcool, la séduction... mais
il y a quand même un regard de candeur qui peut s'échanger. Et
c'est ce Dieu-là, ce dieu de candeur et candide, que je retrouve
lorsque j'en ai envie, et quand les autres en ont aussi envie.
C'est une interface, comme un papier à cigarettes, un moment très
fin, fugitif et fugace.
Puis, cela passe comme si rien ne s'était produit. Mais c'est exactement
ainsi que se manifeste cette présence.
La vie m'a appris à être armé pour la bagarre, et je suis
normalement parano pour être structuré.
Cependant, il me semble que maintenant je suis assez disponible pour percevoir
cela, alors que je suis presque au bout de mon expérience
professionnelle.
C'est pour moi une perception nouvelle. Au milieu de cette dureté, du
côté shakespearien du chaos de "bruit et de fureur", il y a
constamment cette "bonne volonté candide" qui va et vient, toujours
omniprésente. C'est quasiment franciscain. C'est pour cela que je me
reconnais dans François d'Assise.
C'est un message extrêmement difficile à passer, parce que nous
avons besoin de faits palpables et réels, d'apparitions et de
miracles.
En fait, c'est une suggestion qui est toujours au bord de la vision. Si on fixe
le regard dessus, cela a disparu. Pourtant, c'est là, à la
périphérie.
En ce qui me concerne, il n'y a pas de doute. Combien de fois, "un
éclair étincelant de beauté", comme le dit la Kabbale,
illumine le regard des gens de la rue. Et à ce moment-là, je sais
sans conteste qui est celui qui est présent, c'est Jésus qui se
manifeste pour consoler les plus démunis. N'a-t-il pas dit : "Quand tu
as donné à manger à celui qui avait faim, quand tu as
habillé celui qui était nu, quand tu as visité celui qui
était en prison, c'est à moi que tu l'as fait"... Cela me fait
penser à votre expérience au Cambodge, de ce médecin qui
soigne, non seulement des corps, mais qui est aussi capable d'accompagner et de
veiller... Oui. Le garçon qui a fait ça est mort dans un
accident de moto quelques mois après. Je n'avais pas compris ce qui se
passait.
Alors que je triais les corps de façon "technique" pour savoir qui
soigner en priorité, ce garçon a sauté sur le plateau du
camion. Je ne comprenais pas, il accomplissait un acte qui me paraissait
extrêmement transgressif, il n'était pas à sa place.
Il consolait cette fille, caressait ses cheveux. Elle s'apaisait tout doucement
et elle est morte dans ses bras. Le propre des actes puissants, c'est qu'on
n'arrive pas à les comprendre, parce qu'on n'a pas tout de suite la
grille, on ne les comprend que lorsqu'ils sont descendus et qu'ils ont pu
être digérés.
Cela se passe toujours ainsi. Il n'y a pas le décodage immédiat.
Et donc, je n'ai pas saisi la portée de ce qu'il avait fait. C'est
seulement plus tard que j'ai su et alors je me suis senti épais,
con...
C'est pourquoi les signes nous entourent et on ne peut pas les voir. Ils sont
là parce que nous sommes dans l'incarnation, dans la matière.
Tous les signes qui ont besoins d'être perçus sont toujours
présents et ils ne nous sautent aux yeux que lorsqu'on ne peut plus
faire autrement. Une vie sur les routes et dans la tourmente, comme la vie
professionnelle que j'ai menée, m'a forcément fait percevoir de
tels actes et de telles rencontres au-delà du normal.
Mais voilà, pour moi, c'est cela qui est normal et c'est notre condition
qui ne l'est pas. Nous ne sommes pas dans notre rôle.
Cette perception-là, c'est notre vraie patrie. C'est ce que le Christ
explique, en disant à la fois : "Mon Royaume est au milieu de vous", et
"Il n'est pas de ce monde".
Cela signifie : "Il est sous votre nez, cherchez-le mais il n'est pas dans la
direction où vous regardez". Il dit aussi que ce Royaume appartient aux
enfants. Et il remercie son Père d'avoir fait un monde
incompréhensible aux grands savants et aux grands docteurs, mais
compréhensible pour les petits et les humbles.
Et tout le monde veut jouer les grandes personnes, au lieu de tout
simplement rester l'enfant qu'on est... Oui, parce que cet enfant qui
est en nous remonte immédiatement quand on rencontre quelqu'un pour le
séduire : on ne trouve pas de mots compliqués, ce sont des mots
d'enfants. Quand on est malade, on régresse perdant notre surface
sociale, on devient comme un enfant démuni. Quand on va mourir
également : il ne reste plus que des éléments de
l'enfance pour se préparer.
Donc, on sait très bien que c'est ça l'histoire linéaire
et on navigue autour sans jamais l'accepter.
Beaucoup de gens n'osent pas laisser s'exprimer l'enfant qui est en eux de
peur de paraître ridicule... ou enfantin ! Et on me dit, surtout en
France: "C'est étonnant que tu puisses être si intelligente et si
naïve, à la fois". Cela me paraît être une grande
méprise, car comme dit Jésus: "si ton oeil est simple tout
devient lumière". Et l'enfant au-dedans de nous est simple, il n'est pas
blasé, il a confiance et c'est cela l'intelligence du
coeur. C'est évident, la conscience ne vieillit pas. Je vous
parle comme un homme de 56 ans, et en même temps je suis également
un enfant en culottes courtes, à l'école, qui rencontre avec
curiosité ses nouveaux camarades en octobre.
Biologiquement, la vie s'est écoulée, mais la conscience n'a pas
pu être altérée. Elle n'a d'ailleurs pas les moyens de
vieillir. Mon père, qui était un médecin
généraliste, était un homme vraiment très bon. Il
avait l'habitude de dire : "Il n'y a pas de salauds, il n'y a que des enfants
perdus".
Dans votre livre, vous parlez de Rupert Sheldrake, comment l'avez-vous
découvert ? En lisant. Je sais que cela fait "Nouvel Âge"
d'en parler... Mais Sheldrake (Rupert Sheldrake, Une nouvelle science de la
vie, aux éditions du Rocher, Monaco, 1985) est un très
grand biologiste qui a essayé de changer sa mentalité.
Il a introduit les concepts de la mécanique quantique dans la biologie,
et donc tout ce que la physique moderne soulève comme questions et comme
approches. Il a surtout posé différemment la question : "Je
peux connaître la composition des corps, mais qu'est-ce qui
détermine les formes qui se reproduisent et qui sont toujours les
mêmes ?". Il y a un équilibre qui s'est fait, une constante
qui se retrouve.
À cette question, qui n'était jamais apparue tellement elle
était évidente, il a une manière très
élégante de répondre. Cela me fait penser aux grandes
intuitions comme celles de Jung.
Il est dans une tradition de penseurs et de poètes qui mettent en
perspective et prennent en compte l'ensemble du phénomène. Il dit
que chaque forme se réfère à toutes les formes.
Pour moi, c'était une sorte de bond qualitatif, j'ai lu toute son oeuvre
de vulgarisation, et chaque fois que je rencontre son nom, je suis
profondément en accord. Cela ne peut pas être autrement.
Pourtant, il est parti d'observations que tout le monde pouvait faire depuis
longtemps ! Il faut avoir la disponibilité pour, tout d'un coup,
redécouvrir. C'est exactement ce qui se passe avec Benveniste.
Mais c'est profondément logique que cela se passe comme ça. Ils
sont en train de pointer ce que sera la connaissance de demain. Et c'est normal
parce que c'est une information : il n'y a pas besoin du corps
lui-même pour avoir l'information, il suffit d'avoir l'empreinte. Cela me
paraît clair.
Qu'est-ce qui fait qu'un individu a cette disponibilité
? Depuis l'Antiquité, on pouvait faire de la photo : on
connaissait l'optique, les lentilles, les sels d'argent. On aurait pu avoir des
photos depuis Archimède, mais cela ne s'est pas fait.
Il a fallu attendre une certaine façon de penser positiviste pour tout
mettre ensemble. Comme Pasteur, tous les médecins avaient
subodoré ce qu'était la contagion, mais ils n'avaient pas les
moyens de le formuler.
Qu'est-ce qui fait ça ? Je n'en sais rien. C'est comme la grâce :
pourquoi il y a des poètes, des grands pianistes, des grands
compositeurs ? Il n'y a pas de réponse. Ou alors il faudrait que je
fasse appel à des réponses très schématiques...
orientales (rires).
Il n'y a pas de réponse, vraiment ? Si vous voulez, dans mon
système, moi qui suis profondément chrétien, je fais
cohabiter deux regards, et en particulier la transmigration des âmes. J'y
crois.
Je pense que l'être a été créé au premier
jour, et c'est un courant d'êtres qui prend telle ou telle forme, et
quand il y a une conjonction de facteurs, il se manifeste sur la Terre ou il ne
se manifeste pas. Cela m'est obscur et reste implicite, mais d'une certaine
façon, je ne peux pas ne pas croire en la réincarnation.
Quand Jésus dit : "À votre mort, le royaume des cieux vous
sera ouvert", on peut considérer que ce n'est pas de la mort physique
dont il veut parler, mais de la mort psychologique ou de la mort du moi - qui
va se produire au bout d'un certain nombre d'incarnations. Ce n'est pas
contradictoire, pour moi. Je suis en paix avec les deux points de vue.
Si je vous dis que ma conscience n'a pas vieilli, que je suis toujours à
la fois l'enfant de huit ans et l'homme adulte, que je suis toujours avec
l'actualité de ma conscience tout au long de ma vie, cela veut dire que
quelque chose en moi ne bouge pas.
Il n'y a d'ailleurs pas de raisons que cela ne reste pas après la mort
physique. C'est une sorte d'intuition qui me fait dire ça. Si on
croit à la psychosomatique, que l'esprit influence le corps, ce que
disent la plupart des médecins généralistes qui ne peuvent
pas faire autrement que de l'observer, on peut alors penser que les actes que
l'on pose influencent notre cheminement.
C'est déjà l'embryon de l'ébauche du karma. Aller
au-delà me paraît hasardeux, parce que je n'ai pas, dans mon
éducation et dans mon expérience, de matériel pour
l'étayer, je n'ai que cette perception intuitive.
D'un autre côté, je crois qu'il peut y avoir des
courts-circuits et la rédemption. Ces actes nuisibles qui vous
condamnent à les assumer dans votre corps, le corps paye d'une certaine
façon, je pense que l'on peut être remis de ça.
Par exemple, l'histoire de Jésus et du larron. L'ardoise peut être
effacée. Au bout du compte c'est le Salut. Mais au bout de quel
cheminement. Lorsque l'humanité dans son ensemble sera mûre, ce
sera une époque aboutie ; nous serons l'homme cosmique, et à la
deuxième phase, nous serons l'homme universel. Ce sera à la
fin des temps, et au bout du compte tout le monde est sauvé.
Vous utilisez le mot chrétien et pas le mot catholique. Pour beaucoup
de gens, c'est la même chose... Si on me demandait de
définir le Christ, je dirais : miséricorde, mansuétude,
pardon et compassion.
J'ajouterais: douceur infinie. "Quand j'ai frappé à la porte,
elle s'est ouverte", "Demandez et on vous donnera"... Mais qui veut demander ?
Il n'y a pas de demande ! On dit que c'est la volonté de dieu, mais je
ne pense pas que sa volonté soit que l'homme souffre. Ma certitude c'est
que l'homme a été créé par amour. Dieu pardonne
toujours et c'est l'homme qui lui ne pardonne pas, et il est temps que l'homme
apprenne à se pardonner lui-même. Je suis d'accord.
Chrétien, cela veut dire que je crois au Christ, et que Dieu a pris
la forme de l'homme. À partir de là, un croyant
chrétien est obligé de dire quelque chose d'insensé : je
crois que Dieu a pris l'apparence, le statut et la condition humaine, ce qui
est déjà beaucoup.
En plus, il dit qu'il croit qu'un homme est mort et ressuscité,
deuxième gros morceau. Voilà ce à quoi je crois.
Catholique, c'est une autre dimension. D'abord, je ne peux pas faire autrement
que d'être catholique : c'est ainsi que j'ai été
élevé ! Et cela me satisfait profondément d'avoir la
mythologie catholique, en particulier la Vierge qui est un
intermédiaire.
Elle arrive toujours à infléchir le cours de la justice et elle
trouve toujours les circonstances atténuantes en posant un regard
maternel sur les fautes.
D'autre part, sur la mythologie même de l'humanité, le premier
couple fondateur de l'humanité debout, c'est Adam et Ève. Mari et
femme; et femme sortie de l'homme.
Le deuxième couple de la rédemption, c'est la mère et le
fils. Et donc l'homme sorti de la femme. L'un annonce l'humanité
terrestre, et l'autre l'humanité céleste. Les catholiques
croient en la Vierge et pour moi il y a une profonde résonance
d'un couple à l'autre, qui annonce deux époques, ou la
deuxième chance de l'humanité.
De plus, les catholiques ont toujours été accompagnés par
toute l'angélologie, ainsi que par la vie des Saints. C'est très
structurant d'être accompagné par ces hommes qui montrent le
chemin.
En plus, pendant la messe, la transsubstantation me convient parfaitement. Il
doit y avoir des moments où le monde matériel côtoie
forcément le monde surnaturel.
Il faut que ce soit une réalité, et pas seulement une
cérémonie symbolique, sinon qui sommes nous?.. la position du
Pape, bon, c'est lui le chef, il doit avoir raison... (rires).
Vous prenez l'exemple des Albigeois et des Cathares. À toutes les
époques il doit y avoir un certain nombre de Justes. Comme le
Talmud qui dit : "Donnez-moi trente six Justes". Bergson dit que des
héros ont pour mission de tirer par leur exemple et peut-être par
d'autres forces, le reste de l'humanité amorphe. Toute notre
mythologie et notre culture le dit et le croit.
Nous avons besoin de héros qui retrouvent des schémas universels.
C'est nécessaire et important, sinon comment cela bougerait-il ? Il y
a une profonde analogie entre les archétypes de Jung et les intuitions
de Sheldrake : Nous avons besoin de ces personnages qui sont les
représentants, les ambassadeurs, les schèmes de l'homme et qui
ont ce rôle de catalyse.
Comme dans une préparation chimique : il y a tous les
ingrédients, mais la réaction ne se fait pas. Il faut un
catalyseur qui serve simplement à déclencher le processus. Il ne
rentre pourtant dans la composition ni de l'un, ni de l'autre. Je crois que
certains hommes et que certains événements sont des catalyseurs
et sont importants pour faire passer d'un moment à un autre.
Dans un autre registre, si on fait une lecture de l'Islam par les Soufis,
lorsqu'ils parlent d'Allah, qui a quatre-vingt-dix neuf attributs plus un, ils
disent que l'homme universel, l'homme accompli, sera celui qui manifestera les
quatre-vingt-dix neuf attributs. Or, un attribut, c'est comme le modèle
: quand il y a un nom de beauté, s'il s'agit de la miséricorde
par exemple, il ne suffit pas de prier, il faut le manifester en
soi-même. Je trouve cela très juste. Ce que je comprends
maintenant, avec les échanges que l'on peut faire avec tous ceux qui ont
une croyance, c'est que fondamentalement c'est une source unique qui a
plusieurs approches et qui porte des noms différents. Tous les hommes de
bonne volonté, tout le monde est d'accord sur la miséricorde,
l'amour, la compassion, la fraternité... À travers le
monde et tout au long de l'Histoire, cela a toujours pris les mêmes
formes. Ce n'est pas pour le syncrétisme, c'est pour le
référent. Je suis profondément d'accord avec vous.
Tous ceux que j'ai rencontré qui ont compris quelque chose non
seulement dans la tête mais aussi dans la pratique et dans leurs
attitudes ont une infinie tendresse pour Jésus. Ils sont issus
d'horizons variés et pourtant dans le secret de la confiance et de
l'amitié, ils se disent tous profondément
chrétiens... Il y a le monde de l'évolution des
espèces qui montre que le monde n'est pas statique, même si c'est
une loi approximative, c'est une belle loi.
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