Extrait de Rencontre, émission de Gilliane Le Gallic, Chris Horner et
Alain Maneval. (c) Arte
Introduction : Je m'appelle Harry Sirola, ou plutôt je suis
"Haarri" comme on dit en Finlande avec un fort et incompréhensible "r".
Je suis romancier. J'ai écrit trois romans dont Kaksi Kaupunkia qui
était essentiellement inspiré par des Estoniens, et
principalement par Todma et Thomas Urb, sans être toute leur histoire. En
cette occasion, je vais les interviewer mais je suis surtout un de leurs
très bons amis. J'ai passé beaucoup de temps avec eux en ex-URSS,
en Estonie, alors qu'elle était sous la loi soviétique, et
même après qu'ils se soient enfuis, notre amitié a
continué. Ce qui se passe en ce moment est un peu spécial, parce
qu'il y a dix ans nos deux mondes étaient séparés, mais
aujourd'hui ils ne le sont plus; mais ce n'est pas la seule raison qu'il faille
évoquer maintenant, il y a quelque chose en plus.
Harry Sirola: Transportons-nous en 1987. Nous sommes en Estonie. Je
me souviens de vous, vous étiez des chanteurs célèbres au
moment où la dite "révolution en chantant" battait son plein en
Estonie, et vous l'êtes toujours. Je pense que certaines personnes
considéraient vos chansons comme révolutionnaires, mais
l'étaient-elles? Thomas Urb: Non, c'est le genre de
chose que les gens savent mieux que nous. On se contentait de faire nos
chansons et de les chanter. On ne reste pas chez soi en pensant: "Hmm...
peut-être devrais-je maintenant écrire une chanson
révolutionnaire ?" Nous sommes juste des individus
révolutionnaires qui écrivent des chansons
révolutionnaires sans en être vraiment conscients.
Ce que je veux dire, c'est que vos chansons ne sont pas très
révolutionnaires dans le sens où je crois que les gens
l'entendent. Todma était en prison depuis très longtemps. Y
étais-tu à cause de vos chansons? Urb: Comment en suis-je
arrivé là? En 1987, nos chansons, comme notre auditoire, ainsi
que l'ensemble du public en Estonie, avaient évolué au point
qu'il suffisait aux gens de venir à nos concerts et d'écouter les
chansons pour que le déclic ait lieu; et alors, ils retournaient dans la
rue et disaient: "Ce qui se passe ici ne va pas, alors changeons cela." Ce
n'était pas tant les chansons, peut-être, que l'attitude
générale et l'énergie que nous manifestions, je crois.
À ce moment-là, il y a certaines de ces chansons que les gens ont
commencé à comprendre, bien que depuis douze ans on les chantait.
Je veux dire, qu'il y a douze ans, elles étaient, je ne sais pas,
peut-être super-révolutionnaires. Et les poètes qui ont
écrit certains textes - qui dataient d'environ deux cents ans - de ces
chansons étaient très révolutionnaires.
Aujourd'hui, vos chansons sont touchantes et spirituelles. Comment les gens
peuvent... Urb: C'est parce que nous sommes dans un contexte
sentimental et spirituel. Un contenu qui, du point de vue du public, manquait
complètement à la société, et je pense aussi
à la vie de la plupart des gens; comme il se trouve que nous en
étions porteurs à ce moment-là, c'est ce qui a
créé un changement et qui est arrivé à point...
Urb: C'est comme le mouvement du Nouvel Âge qui commence seulement
maintenant à découvrir les chamans, mais les chamans existent
depuis des milliers d'années... Ils ont toujours existé. Nous,
avec notre musique, notre vie, notre énergie, nous sommes simplement en
train de suivre cette ancienne route de ménestrels errants et de
chanteurs chamans, comme Leninoinin et tous ceux qui, comme lui, ont
existé il y a des centaines d'années, et qui ont fait exactement
la même chose. Au temps du Disco, ce n'était pas dans le coup.
Maintenant c'est le moment du Rap et ce n'est toujours pas à la mode,
mais c'est toujours à contre-courant, ça continue toujours. Ce
que je veux dire, c'est que nos chansons sont le fruit de l'amour, du
vécu, de l'essentiel. Elles sont basées là-dessus. Ce ne
sont pas les enfants de la révolution sociale. C'est ce que je voulais
dire. C'est que la réflexion que font les gens, si tu as des chansons
révolutionnaires, c'est: "Hé ! tu chantes qu'on est dos au
mur!"...
Et ça n'est pas votre style, d'être des artistes à
thème n'est-ce pas? Urb: C'est trop facile. C'est trop
évident. Oh, maintenant c'est très branché de chanter
à propos de l'écologie: "Chantons tous pour l'environnement!".
Mais l'environnement a toujours été là. Va dans la rue,
gratte le revêtement un petit peu et la terre apparaît.
Au moins dans mon esprit, les chansons n'étaient pas la cause directe
de votre emprisonnement. Comment s'est passé votre incarcération.
Pourriez-vous nous parler un peu du moment où le KGB a enlevé
Todma à sa femme et à son frère? Urb: Bon,
ça revient au même je dirais.
Urb: Non, non, non, non, toujours les femmes d'abord.
Urb: Non, comme nous l'avons dit - même en Amérique où nous
avons donné des concerts - aux gens qui nous demandaient pourquoi nous
étions allés en prison, nous n'étions pas
anti-communistes, ni anti rien-du-tout. Nous étions juste anti-cons.
C'est un certaine forme de "qualité" humaine dans la
société qui pousse des gens à se regrouper dans des
partis, pour se tourner contre d'autres, à devenir agent du KGB,
à devenir fascistes, à devenir anti-sémites, anti
n'importe quoi. Je veux dire que c'est une certaine forme de "qualité
humaine" et les gens, regroupés dans des partis, se tournent contre
d'autres. Et nous, comme les esprits libres, nous sommes juste anti-cons,
voilà. Et ça c'est valable où que tu ailles, dans
n'importe quel pays. Cela prend simplement des formes politiques
différentes. Mais fondamentalement, c'est la même qualité
humaine: il y a des gens qui veulent faire cela à d'autres.
Tu ressembles un peu à un récidiviste, ou peut-être
à un moine bouddhiste... C'est l'impression que tu donnes, et Thomas a
un côté que je trouve assez poétique. Est-ce pour cela que
vos chansons sont poétiques? Urb: À cause de notre
apparence?
Oui. Parce que ton apparence te pousserait à chanter quelque chose
d'assez "hard", musicalement parlant. Urb: D'où ta
poésie vient-elle? Tu es un poète et ta maman aussi?
Oui. Urb: Je pense que les poètes sont l'intuition de la
planète. Et en ce moment, l'énergie de la planète
s'exprime justement à travers les poètes. C'est quelque chose que
tu fais involontairement. Tu fais juste ce que tu ressens. Et le fait que tu
sois fort ou faible, que tu aies une grosse moustache ou le torse velu n'a
aucune importance à ce moment-là. Tu écris encore et
toujours, quoi qu'il te vienne à l'esprit d'écrire, ça
écrit.
Je voudrais comparer certaines de vos chansons qui sont tendres avec, par
exemple, le KGB ou avec les conditions de détention qui ne sont pas du
tout tendres, ni poétiques... Urb: Je pense que l'amour est la
plus grande force contre la bêtise. Et c'est aussi une protection. Quand
tu entres dans le monde carcéral, par exemple, c'est drôle de voir
que la meilleure protection ce n'est pas d'essayer de te battre au niveau des
forces qui s'y manifestent, mais de devenir quelque chose de
complètement différent et alors tout à coup, ces
énergies ne se produisent plus. C'est là que le KGB ne pouvait
pas nous détruire. Parce que nous ne sommes pas entrés dans le
niveau qui était le leur. Nous les avons totalement ignorés. Et
c'est une des raisons pour lesquelles ils nous haïssaient autant. Nous
avons ignoré le KGB en tant que tel. Nous l'avons totalement exclu de la
société. Nos chansons parlaient de choses vraies, de choses qui
ont toujours existé et qui existeront toujours.
C'est assez important, parce que c'est la raison pour laquelle on t'a mis en
prison. Vous ne cherchiez pas à tuer des communistes... Urb: Bien
sûr, dans le pays où règne la nuit, une petite lueur est
dissidente. Elle montre que la lumière existe. Les gens vont voir cette
lumière et disent : "Oh, j'aime ça!". Vous n'avez pas besoin de
marcher avec cette lumière, il suffit juste de la montrer. Le plus
drôle, c'est que les plus amoureuses et passionnées de mes
chansons d'amour ont été écrites en prison. Parce que
c'est là que tu apprécies vraiment le plus l'amour. Et chaque
petite lettre que tu reçois de ceux que tu aimes, cachée à
l'intérieur du pain, tu sais, quand tu la déroules et qu'elle te
dis: "Tarmo, tiens bon! Nous sommes avec toi..." Alors, c'est là que tu
ressens l'amour le plus fort. Et en prison tu sais qu'il y a beaucoup de
malheureux. Les gens ne sont pas si mauvais. Les gens sont juste malheureux et
infortunés. Dans beaucoup de cas, ils étaient là parce que
la société veut tout assimiler et qu'ils sont allés sur un
chemin que la société n'appréciait pas. Dans la
société d'aujourd'hui, ils ne seraient plus
considérés comme des criminels.
Tu as dit que tu n'y étais pas allé avec le même
état d'esprit que celui qui régnait dans la prison. Par exemple,
une façon de faire était d'écrire des chansons très
poétiques. J'ai lu beaucoup d'histoires de prisonniers politiques, qui
ne s'en sortent pas. Mais tu as toujours été en bons termes avec
les "criminels". Urb: (Tarmo) Non, pas toujours. Je veux dire que j'ai
mis les choses bien au point, par exemple, ils te mettent à
l'épreuve pour savoir qui tu es, si tu es une poule mouillée et
si tu chiales, ou ce que tu vas faire. Au départ, c'était parce
que je ne fumais pas. Ça a commencé à cause de ça,
avant même d'être dans la cellule. Tout le monde fumait, vingt-huit
types, et je leur ai demandé de ne pas fumer sans ouvrir les
fenêtres. Et ils ne voulaient rien entendre, bien sûr, pour qui
est-ce que je me prenais? Pour une sorte de poète? C'était
à Tallin, à l'époque de Noël et il faisait super
froid. Et comme ils refusaient d'ouvrir la fenêtre, je l'ai
cassée. J'ai juste attrapé la fenêtre, je l'ai
cassée et j'ai dit: "C'est super maintenant, nous pouvons tous respirer,
fumer et être heureux ensemble." Et ça, ça a
commencé quand ils m'ont dit: "Qu'est-ce que tu crois? Tu es un mec qui
fait du kung-fu ou du karaté?". Et j'ai répondu: "Non, non, je
suis normal, un mec comme tout le monde, vous savez, un petit mec faible et
peureux." (précision, les frères Urb mesurent près
de deux mètres et sont bâtis comme des vikings. N.D.L.R.). Et j'ai
fait un marché avec eux. J'ai dit: "Pas de problème, si vous me
tuez, ça va. Mais si vous abusez de moi sans me tuer, alors je serai
obligé de vous tuer et je le ferai. Donc réfléchissez-y."
Et un mec s'est approché de moi comme ça et a dit: "Laissez
tomber, ce mec est cinglé."
Après ça, ils ont commencé à apprécier ce
que je pouvais leur apporter, parce que les prisons n'ont pas d'églises,
ni de chefs spirituels. Après, ils ont compris ce que je suis en
réalité. J'ai commencé par leur apprendre la digipuncture,
le massage. J'en ai beaucoup aidés après qu'ils aient
été tabassés. J'ai soigné leurs reins; en prison
ils sont très souvent atteints à cause des coups. Je soignais
leurs maux de dents, leurs maux de tête, parfois j'écrivais leurs
déclarations à la cour, en échange de chocolat.
Tu ne pouvais pas résister au chocolat? Urb: Bien sûr...
Je leur ai dit leur avenir et des choses qui leur sont arrivées, et
finalement ils ont commencé à m'apprécier. C'est pourquoi
le KGB m'a envoyé en asile psychiatrique, parce qu'ils voyaient que je
devenais trop important pour les "criminels".
Après tout ça, Tarmo a été libéré
de prison. À ce moment-là, il n'était pas très bien
vu en Estonie. Tu es peut-être une des dernières personnes qui
aurait quitté l'Estonie? Urb: Si tu veux. En 1986, j'étais
acteur dans un théâtre - le théâtre national d'art
dramatique de Tallin. J'ai écrit une lettre à Gorbatchev qui
était le tout nouveau Président. C'était une lettre
confidentielle et très détaillée sur ce qui était
arrivé à Tarmo pendant six ans; elle parvint au Kremlin
grâce à un ami qui y avait ses entrées. À la suite
de ça, Tarmo fut relâché de l'asile psychiatrique en avril
1987, je quittai le théâtre et au bout de cette période de
huit ans, nous pouvions enfin nous produire ensemble pour la première
fois. Donc c'est vraiment à partir de là que tout a
commencé. Je voulais simplement raconter comment tout ça s'est
enchaîné.
Le fait d'être très populaire en Estonie ne jouait pas en notre
faveur; c'est ce qui rendait le gouvernement si nerveux, d'autant qu'il
était déjà sur le déclin et qu'il essayait de
trouver des boucs émissaires partout où il le pouvait. Et tout
naturellement, nous étions si populaires, nos concerts étaient si
courus, qu'il nous accusai; d'autant que les jeunes qui sortaient de nos
concerts, tu sais des gamins qui pour la plupart étaient issus de
familles dont les parents étaient au KGB ou au parti communiste,
revenaient chez eux et disaient à leur père: "Écoute papa!
J'ai honte d'être ton enfant. Je marche dans la rue et partout les gens
savent que mon père est un colonel du KGB. Comment penses-tu que je me
sente en sachant tout ce que mon père fait à ces gens?" Le
père disait: "D'où viens-tu?" et ils répondaient: "Je
viens du concert des frères, et alors?" "Du concert des frères,
d'accord!" En 87 et 88, j'ai eu de grands espoirs sur ce qui pouvait advenir en
Estonie et en Union soviétique. Je pensais que la Perestroïka et la
Glasnost étaient vraiment réelles. Je pensais que ce cauchemar
était enfin fini, que nous serions enfin un peuple libre dans un pays
libre, libres de faire ce que nous voulions et quand j'ai réalisé
que ce n'était pas mis en pratique, que nous ne pouvions pas voyager,
que nous avions toujours le téléphone sur écoute, que nous
avions toujours des flics frappant à notre porte à six heures du
matin pour vérifier nos passeports, et tout particulièrement
quand j'ai reçu une convocation du KGB pour signer un document qui
disait que, jusqu'à la fin de nos jours, nous n'aurions pas le droit
d'aller à l'étranger, j'ai senti que les choses allaient à
nouveau être vraiment difficiles.
Est-ce que ces derniers rapports avec le KGB furent la cause de votre
départ d'Estonie? Parce que d'un autre côté, vous pouviez
peut-être supposer que c'était le bon moment pour vous d'y rester,
puisque tout s'ouvrait et commençait à éclore doucement,
et qu'il y aurait eu comme un besoin de vous en Estonie à ce
moment-là? Urb: C'est vrai. Le besoin social était
là aussi. Ça a commencé à se produire très
fort, c'est peut-être pourquoi maintenant on nous appelle les
chanteurs-chamans, je ne sais pas. Beaucoup de gens du KGB, envoyés
à nos concerts en tant qu'informateurs, étaient spirituellement
touchés pendant le concert, parce que chacun de nous a du bon
caché à l'intérieur. Et tout à coup ça
germe, et même contre ta propre volonté, tu deviens un être
bon, même si tu travailles dans un lieu de merde. Beaucoup de ces gars
ont changé, c'est ce qui a le plus ennuyé le KGB. Un de ses
agents, un capitaine du KGB, est venu à ma rencontre dans la rue,
c'était en août, et il m'a dit: "Tu sais Tarmo, je regrette
d'avoir à te dire ça, mais mon département au KGB,
prépare ton arrestation définitive. Toi et ton frère serez
probablement morts d'ici novembre. S'il te plaît, essaye de quitter le
pays." Et tout à coup, c'était comme si nous n'avions que
quelques jours pour nous préparer, et finalement nous n'avions plus que
quatre heures pour partir.
Je me souviens que ça a été une bataille, parce que
pour faire sortir Tarmo du pays, ce n'était pas
évident. Urb: Ça n'était pas très facile, et
de nouveau le destin est entré en scène. Un officiel haut
placé dans le parti était à un de nos concerts et à
la fin, il est venu nous voir en pleurs en disant: "C'est la première
fois de ma vie, en quarante-cinq ans, que je pleure. Vous avez fait quelque
chose de spécial pour moi. Un jour, si vous avez besoin d'une faveur
spéciale, venez me voir." Nous sommes allés le voir et il nous a
fait sortir clandestinement d'Estonie, par de drôles de moyens, il nous a
fait pratiquement passer en contrebande sur un ferry finlandais à
destination de la Finlande. Et de là, on a atterri chez toi.
En vous menant par la main, il a réussi à vous soustraire
à tous les contrôles? Urb: Parce que le KGB n'avait pas
d'ordinateurs. Un département ne savait pas ce que faisait son voisin.
Il a transmis clandestinement nos papiers dans un drôle de service
où on ne nous connaissait pas.
C'est alors que vous êtes arrivés en Finlande, et, bien
sûr, je me souviens très clairement du moment où vous
êtes tous les deux arrivés très naturellement par le
bateau. En fait ça n'avait rien de très spécial, vous
passiez tranquillement à l'Ouest, si on peut appeler Ouest la
Finlande. Urb: C'est à ce moment-là, quand j'ai
marché dans le port d'Helsinki en descendant du ferry, que ça m'a
frappé soudainement et j'ai eu la vision que le monde était rond.
Je l'ai vraiment vu. Avant le monde pour nous était comme une part de
pizza, et tout à coup nous l'avons vu devenir rond. Et c'est dans ta
voiture, sur le siège arrière, alors que nous traversions
illégalement la frontière suédoise, qu'est née la
chanson "Je suis un citoyen du soleil". C'est la première fois de ma vie
que j'ai pu manger des bananes, et tout à coup dans ce restaurant,
j'étais comme un singe, j'ai pu pratiquement en manger autant que je le
voulais.
Nous sommes arrivés en Suède, nous avons traversé la
frontière, en chantant "Le citoyen du soleil" et ensuite vous êtes
partis en Amérique. Quelle a été votre première
impression de l'Amérique? et comment a-t-elle
évolué? Urb: Et bien d'abord il a fallu sept mois et un
jour pour avoir tous nos documents d'immigration à partir de l'ambassade
américaine en Suède, après, tout s'est passé
très facilement. Grâce à ces histoires de prison et d'asile
psychiatrique, notre réputation était impeccable pour les
États-Unis! En gros, notre entretien à l'Immigration a
duré cinq minutes. Ils nous ont juste demandé si nous
appartenions à des groupes religieux extrémistes ou autres. Donc,
après ça, nous étions bienvenus aux États-Unis. Et
pour la première fois de ma vie, c'était à
l'aéroport Kennedy, je me suis senti en totale sécurité.
Ma première impression était très drôle. Dans les
services de l'Immigration à l'aéroport Kennedy, il y avait des
"Monsieur Kim", des "Madame Choi", ce genre de personnes. Il n'y avait pas un
seul américain blanc. Tout le monde était immigré. Donc
pour eux nous étions tout à fait normaux. Nous nous
préparions à attendre à cause de leur bureaucratie,
à passer des heures d'interrogatoire. Un gars est venu et a dit: "Ah!
vous êtes de Russie. O.K.!". Le docteur a dit: "Ah! vos papiers sont en
ordre." Et monsieur Kim est arrivé, ils ont mis quelque chose dans un
porte-monnaie et nous ont dit: "Bon, vous avez tout ce qu'il faut?" "Tout ce
qu'il faut quoi?" avons-nous répondu. "Tout est prêt, vous-y
allez!" On ne savait pas ce qu'il voulait dire. "Tout est prêt,
allez-y!". Et Tom qui demande: "Aller comment?". Et monsieur Kim de dire:
"Marchez! Prenez un taxi!". C'est alors que nous avons réalisé
que nous étions aux États-Unis. Et à l'aéroport
Kennedy, tout à coup je suis resté immobile, j'ai
réfléchi: "Bon, où est le nord? Où vais-je aller?".
Nous ne savions pas où aller, et nous avions des amis à
rencontrer. Ensuite, nous sommes allés vers le Massachusetts,
directement de l'aéroport, sous la pluie, et notre ami était
là avec une corbeille pleine de bananes - bien sûr! - et du
café. Et nous voilà partis pour le Massachusetts.
Suite
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