Marée noire un trou dans la terre, empreinte humaine sur l’océan, recul de la pauvreté, glaciers
Revue de liens hebdomadaire reprenant les infos les plus pertinentes diffusées par Twitter par l’équipe des Humains Associés. Chaque jour, nous partagerons des liens de sources diverses. Cette semaine, la revue de lien est consacrée aux réflexions de Naomi Klein sur la marée noire dans le Golfe du Mexique, à l’empreinte de l’homme sur les océans, au recul de la très grande pauvreté selon les Objectifs du Millénaire, à la création du « GIEC » de la biodiversité et aux conséquences de la fonte des glaciers de l’Himalaya, véritables châteaux d’eau de l’Asie.
Marée noire dans le Golfe du Mexique : Un trou dans la Terre, par Naomi Klein
De retour d’un reportage dans le Golfe du Mexique, Naomi Klein, auteure et activiste de renom international, nous livre ses réflexions sur le désastre écologique qui révèle pour elle l’hybris qui est au cœur du système capitaliste.
Si l’ouragan Katrina avait révélé la réalité du racisme aux États-Unis, la catastrophe de BP lève le voile sur une autre réalité, plus cachée encore : le peu de contrôle nous avons sur les forces de la nature. Malgré ses efforts, BP ne parvient pas à boucher le trou qu’il a fait dans la Terre. Obama ne peut commander à l’industrie de pêche de survivre ou aux pélicans de ne pas s’éteindre. Aucun dédommagement, si élevé soit-il, ne pourra rétablir la culture locale lorsqu’elle a perdu ses racines.
Pour Naomi Klein, ce désastre est en lien avec beaucoup de choses : la corruption, la dérégulation, notre dépendance aux combustibles fossiles. Mais avant tout, il montre le sous-entendu si fatalement dangereux de notre culture : d’avoir une compréhension et une maîtrise si complète de la nature que nous pouvons la modifier et manipuler sans risque pour le système naturel dont nous dépendons. L’auteure rappelle que la conception de la nature comme machine que l’homme peut soumettre à sa guise est une prétention récente à l’échelle de l’Histoire. Jusque dans les années 1600, la Terre était considérée comme un être vivant. Les Européens, comme les peuples indigènes aujourd’hui encore, en parlaient comme d’une mère. Un grand nombre de tabous, parmi lesquels l’exploitation minière, empêchaient de la déformer et de la « désacraliser ». Pour l’anthropologue Katia Neves, dire que la nature est sacrée n’était qu’une façon de signifier son humilité devant ses forces et d’agir avec précaution. Le paradigme changea quand la révolution scientifique dévoila quelques uns de ses secrets. Considérée comme une machine inanimée, la nature pouvait désormais être exploitée en toute impunité.
On retrouve cette prétention jusque dans les déclarations de BP aujourd’hui. Si la compagnie n’avait pas de système pour contenir la fuite en cas d’accident, c’est qu’elle n’avait tout simplement pas envisagé ce scénario. Dans les rapports parlant de cette situation hautement improbable, le risque était considéré comme minime et la réaction de la compagnie aurait été immédiate. Les microbes et l’immensité de l’océan se chargeraient du pétrole, les poissons contourneraient la fuite et le mazoute n’atteindrait jamais les côtes, distantes de 77 km (des boulettes de pétrole se retrouvent désormais sur les côtes de Floride, à plus de 300 km…). Un laisser-aller et une hybris qui n’ont été possibles que parce que la classe politique était encline à croire elle aussi à ce pouvoir sur la nature. Encore maintenant, face à l’ampleur de la catastrophe, le déni alimente le discours de certains politiques qui continuent à soutenir le forage offshore. La palme revient à un éditorialiste de Washington qui clame son admiration « devant la capacité humaine à soulever le couvercle du monde souterrain…. »
Un géologue parle au contraire du « puits de Pandore ». A l’heure actuelle, personne ne sait quand et comment le pétrole s’arrêtera de s’écouler, la fuite pouvant durer des années. Le désastre montre à quel point la nature est toujours plus imprévisible que les modèles mathématiques et géologiques les plus sophistiqués ne peuvent le concevoir. Et pour les habitants de la région, en contact permanent avec un écosystème d’une infinie complexité, les discours sur la maîtrise sont tristement ridicules. Ils savent que les marécages ne peuvent être nettoyés et que l’ensemble de l’économie, l’écologie et de la culture locale en dépendent. « Tout meurt », dit une habitante lors d’un rassemblement. Alors, d’autres métaphores apparaissent, celles du saignement ou de l’hémorragie. Pour Naomi Klein, quelque chose d’autre émerge : le sentiment que ce trou au fond de l’océan est autre chose qu’une machine cassée ou un accident mécanique, mais la blessure d’un organisme vivant. Ainsi, 400 ans après la mort déclarée de la nature, et au milieu d’un tel massacre, la Terre nous rappelle qu’elle n’a jamais été une machine et elle redevient vivante à nos yeux. Selon une expression, « les Américains apprennent la géographie des pays étrangers en les bombardant ». Là, nous apprenons l’écologie et les complexes interdépendances de la Vie en la détruisant. (Lire l’article dans le Guardian ici, en anglais)
Comment les hommes laissent leur empreinte sur l’océan
Une étude publiée dans le magazine Science souligne combien l’empreinte de l’homme sur l’océan est profonde, allant jusqu’à modifier la composition même de l’eau. Ce sont toujours les mêmes trois éléments qui sont en cause : la combustion des énergies fossiles, l’agriculture industrielle et le réchauffement climatique. Mais la plupart des effets sont déjà documentés et mesurés et ne sont plus seulement des risques théoriques. Voici les principales menaces qui pèsent sur l’océan, et par là, sur l’homme et ses ressources vitales :
- Réchauffement : Les océans ont absorbé entre 25 et 30% du CO2 émis par l’homme depuis la Révolution industrielle. Mais au fur et à mesure que la température de l’eau augmente, l’absorption du CO2 ralentit. Ce qui signifie que le CO2 reste dans l’air et que le réchauffement va s’accélérer.
- Acidification : L’absorption du CO2 a pour conséquence l’acidification de l’eau, qui se fait 30 à 100 fois plus rapidement que par le passé. Les organismes à squelette carboné, interne ou externe, tels que les coraux et les coquillages, en sont menacés et risquent littéralement se dissoudre d’ici la fin du siècle. Un certain type de plancton, base de la chaîne alimentaire marine, risque également de disparaître.
- Zones mortes : Les engrais et la combustion de combustibles fossiles créent des zones mortes près des côtes. L’activité humaine est la cause de la moitié des nitrates transportés par les rivières vers la mer et qui alimentent les algues et microbes qui menacent le reste de la chaîne alimentaire, des crevettes aux huîtres, des poissons aux pêcheurs.
- Marées vertes toxiques : L’excès de ces engrais peut aller jusqu’à l’apparition d’algues toxiques qui tuent les poissons et présentent un réel danger sanitaire pour les habitants des côtes.
- Poissons en manque d’oxygène : Il y a de plus en plus de zones en pleine mer où les poissons luttent pour l’oxygène. L’océan est constitué de couches différentes, des couches d’eaux chaudes se superposent à des couches plus fraîches et plus riches en sel. Mais quand les couches supérieures sont plus chaudes encore, la stratification s’accentue et l’apport en oxygène, venant des couches plus profondes, diminue.
- Contamination de la chaîne alimentaire : L’activité humaine fait de l’océan un dépôt de polluants : polluants organiques persistants (POP), DDT et PCB, sans parler du mercure. Évidemment, ils s’accumulent dans la chaîne alimentaire et les poissons et fruits de mers que nous consommons.
- Plomb : c’est le seul point positif de la liste. Depuis que les canalisations en plomb ont été supprimées dans les années 70, les concentrations en plomb ont diminué dans l’océan Atlantique pour revenir aux niveaux du début du 20e siècle.
Il est difficile de prédire l’effet de l’ensemble de ces impacts, dans la mesure où tous ces éléments interagissent, créant des situations plus complexes encore. Ainsi, les récifs coralliens peuvent dans certaines conditions supporter des eaux plus chaudes, mais pas quand elles sont plus acides en même temps. (Lire l’article de Change.org ici, en anglais)
L’extrême pauvreté recule dans le monde, selon l’ONU
Un rapport des Nations Unies a fait le point sur les progrès pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Fixés en 2000, ces Objectifs visent à assurer l’éducation primaire pour tous, promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre le sida, le paludisme et d’autres maladies, préserver l’environnement et mettre en place un partenariat mondial pour le développement.
« La proportion de personnes dans les pays en développement qui subsistent avec moins de 1,25 dollar par jour est passée de 46 % en 1990 à 27 % en 2005 – sous l’effet des progrès en Chine, en Asie du Sud et en Asie de l’Est – et doit tomber à 15 % en 2015 », écrit le rapport. Des progrès ont également été réalisés en matière de scolarisation dans le primaire, notamment en Afrique, dans les combats contre le sida et le paludisme et pour améliorer la santé des enfants. Il relève de bonnes chances d’atteindre l’objectif de garantir l’accès à l’eau potable. En revanche, seule la moitié de la population des pays en développement a accès à des équipements sanitaires comme les toilettes et les latrines. Et les femmes et fillettes restent encore les plus défavorisées : Moins de la moitié des femmes dans certaines régions en développement bénéficient de soins médicaux durant la période de maternité. Et les filles dans les foyers les plus pauvres risquent 3,5 fois de plus de quitter l’école que celles des foyers riches et quatre fois plus que les garçons de même condition. (Lire l’article du Point ici)
Un réseau mondial sur la biodiversité va être créé
L’IPBES, le réseau mondial d’expertise sur la biodiversité, a enfin vu le jour début juin, à l’issue de cinq jours de négociations à Busan en Corée du Sud. A l’image de ce qui existe depuis 1988 pour le climat à travers le GIEC, la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES en anglais) devra fournir aux gouvernements des évaluations et des scénarios sur l’évolution à venir de la biodiversité mondiale. L’idée de cette plateforme est née en 2005, après la publication de l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire qui avait fait un état des lieux inquiétant des ressources naturelles dont dépendent les sociétés humaines pour leur survie : effondrement des stocks halieutiques, mortalité élevée des récifs coralliens, destruction des grandes forêts tropicales… L’IPBES doit encore être adopté par l’assemblée générale des Nations Unies en septembre à New York, mais le risque de rejet semble être mince, après cinq ans de bataille en faveur de cette institution, que la France a longtemps défendu seule avant d’être rejointe par le PNUE.
Si cinq principales menaces pour l’avenir de la biodiversité ont été identifiées – la surexploitation des ressources naturelles, le changement d’affectation des sols, qui transforme les espaces naturels en cultures ou en villes, les pollutions, la prolifération des espèces invasives et le changement climatique –, il reste à mieux comprendre et hiérarchiser leur impact. Les pays ne disposaient toujours pas de boussole fiable et d’indicateurs précis pour évaluer leur action. A la différence du climat, la recherche sur la biodiversité reste fragmentée et lacunaire. Pour Lucien Chabason, directeur délégué de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), « il y a un déficit de connaissances dans beaucoup de régions du monde. C’est un domaine qui n’a pas été favorisé pendant très longtemps, y compris en France. On se concentrait sur des questions qui apparaissaient complètement marginales aux gouvernements et aux entreprises comme la protection des animaux sauvages ou des zones humides. Au contraire de la pollution par exemple, qui touche plus directement à la santé publique. »
Les pays en développement, où se concentre la plus grande diversité naturelle, ont exigé d’encadrer étroitement le mandat des scientifiques, afin que l’IPBES ne joue pas les donneuses de leçon à l’égard d’États peu respectueux de leur patrimoine naturel. Pour Christine Sourd, directrice adjointe des programmes au WWF, « l’un des enjeux des négociations est que les experts sont plutôt au Nord et la biodiversité au Sud. Il faut éviter que ceux qui ont les moyens savent pendant que les autres subissent. La connaissance ne vient pas de la lune, elle est forcément connotée d’influences culturelles. Il n’y a pas d’observateur isolé qui ne soit pas formaté par les pensées et les systèmes économiques de son pays. Cela suppose de donner aux pays pauvres les moyens, y compris financiers, d’avoir une expertise pour pouvoir parler au même niveau que les autres. » La possibilité de laisser les organisations non gouvernementales (ONG) saisir directement l’IPBES a été écartée. Les ONG, qui contribuent pourtant beaucoup à la production des connaissances dans le domaine de la biodiversité, resteront de « simples observateurs ». (Lire les articles du Monde et de Terra Eco, ici et ici)
Les châteaux d’eau himalayens menacés de tarissement
Selon une étude néerlandaise, la fonte des glaciers de l’Himalaya suite au changement climatique met en péril la sécurité alimentaire de près de 70 millions de personnes en Asie. Les habitants des bassins de l’Indus, du Gange, du Brahmapoutre, du Yang-Tse et du fleuve Jaune sont tributaires de ces châteaux d’eau, notamment pour les cultures irriguées et l’énergie des barrages hydroélectriques.
L’étude publiée dans Science souligne la diversité des situations, la fonte des glaciers n’étant pas la seule source d’eau de ces régions, qui bénéficient également des pluies de moussons. Les eaux de fonte jouent un rôle crucial pour l’Indus et, à un moindre degré, pour le Brahmapoutre, la contribution de l’eau de fonte étant de moins de 10% pour les autres fleuves. Les deux bassins les plus affectés, ceux de l’Indus et du Brahmapoutre, devraient connaître dans les années 2040 à 2060 une baisse de régime « régulière et considérable ». La raréfaction menacerait la sécurité alimentaire de 34 millions d’habitants dans le bassin du Brahmapoutre, 26 millions dans celui de l’Indus, 7 millions dans celui du Yang-Tse et 2,5 millions dans celui du Gange. (Lire l’article du Monde ici)
Laisser un commentaire