Urbanisation, déchets électroniques, infertilité des sols, poids de l’élevage et coût environnemental
Revue de liens hebdomadaire reprenant les infos les plus pertinentes diffusées par Twitter par l’équipe des Humains Associés. Chaque jour, nous partagerons des liens de sources diverses. Cette semaine, la revue de lien est consacrée aux risques d’une urbanisation chaotique dans les pays en développement, à la gestion des déchets électroniques, à la chronique de Hubert Reeves sur l’infertilité croissante des terres arables, au poids environnemental de l’élevage et au coût réel des dommages causés par les entreprises à l’environnement.
Le changement climatique accélère une urbanisation chaotique et risque de conduire à un désastre social si les villes n’apprennent pas à en préparer et gérer les conséquences, a déclaré la directrice de l’agence onusienne Habitat. La moitié des habitants de la planète vivent maintenant dans les villes et cette part pourra s’élever à 70% en 2050. 90% de cette croissance proviendra des villes du Tiers Monde, y compris les plus vulnérables au changement climatique tels que Bombay en Inde et Lagos au Nigeria. La moitié des habitants de ces mégacités vivent déjà dans des conditions précaires, dans des bidonvilles sujets aux inondations, sans accès aux services de santé ou d’urgence, sans travail et avec peu de poids politique. Ajouter davantage d’inondations, de sécheresses ou de tempêtes suite au changement climatique, ainsi que de nouvelles vagues de migrants arrivants de la campagne, et la situation déjà chaotique deviendra désastreuse, prévient Anna Tibaijuka, directrice d’Habitat. « Cela sera un épreuve sérieuse pour ces villes », déclare-t-elle. Heureusement, la prise de conscience existe dans certaines d’entre elles : São Paulo a expérimenté récemment les pires inondations depuis 60 ans et a pu constater l’inadéquation de son système d’évacuation d’eau quand des routes majeures ont été endommagées par les flots. Depuis, la ville travaille, entre autres projets, sur des espaces verts pour absorber la pluie. Le Kenya a subi une sécheresse sans égale l’année dernière : les centrales électriques ont été interrompues par manque d’eau, les éleveurs ont conduit leurs troupeaux jusque dans les faubourgs de Nairobi à la recherche d’herbe et les animaux des parcs nationaux ont du être nourris au foin. « ll n’y a personne au Kenya qui ne soit pas convaincu des conséquences néfastes du changement climatique », indique Njeru Robinson Githae, le ministre pour le développement urbain. Depuis, le pays développe des barrages pour stocker l’eau, de nouveaux systèmes d’irrigation et des sources d’énergie renouvelables. La ville projette également la construction de la première route dans le bidonville de Kibera et des logements sociaux pour ses habitants. « Nous faisons maintenant ce que nous aurions du faire il y a dix ans », explique Gitae.
L’action est particulière urgente dans les villes tels que Shanghai, Dhaka, Alexandrie et Bombay, qui risquent d’expérimenter des inondations sévères, indique David Satterthwaite, un expert à l’International Institute of Environment and Development à Londres. Singapour pourrait servir de modèle pour cette politique. Depuis 40 ans, la ville a anticipé ces problèmes en réduisant les bidonvilles et en investissant dans le logement social, l’éducation, les transports publics et les systèmes d’évacuation d’eau. Néanmoins, les conséquences pourront être d’une telle ampleur dans d’autres villes que leurs moyens financiers ne leur permettront pas d’y faire face. Pour David Satterthwaite, réduire les émissions de CO2 est essentiel car les villes les plus pauvres et les plus importantes du monde manqueront de ressources pour s’adapter aux changements à venir. « A l’heure actuelle, il n’y a pas de reconnaissance à l’intérieur de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) du fait que la capacité d’adaptation n’est pas là. Le pire des scénarios sera que les pays riches envoient de l’argent pour l’adaptation, comme excuse de ne pas agir sur la réduction des émissions. Cela sera un désastre. » (Lire l’article ici, en anglais)
La nécessaire gestion des déchets électroniques dans les pays en développement
Un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) publié en février indique que les quantités de déchets électroniques devraient encore fortement augmenter durant les dix prochaines années, ce qui pourrait avoir de graves conséquences environnementales et sanitaires. Le rapport, intitulé « Recycling – from E – Waste to Resources » [Recycler – Des e-déchets aux ressources], est basé sur des données fournies par onze pays en développement afin d’estimer leur production de déchets électroniques actuelle et future, ordinateurs, imprimantes, téléphones portables, appareils photos numériques, réfrigérateurs, jeux ou télévisions. Un milliard de terminaux mobiles vendus en 2007, contre 896 millions en 2006, les équipements électroniques d’aujourd’hui constituent donc les déchets de demain. La croissance mondiale des e-déchets s’élève à 40 millions de tonnes par an.
La Chine, avec des villes comme Guiyu et Shenzen, est devenue le symbole de cette pollution high-tech. Des centaines de milliers de travailleurs pauvres y recyclent dans des conditions sanitaires déplorables les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) que d’autres pays lui envoient, mais aussi sa propre production, la Chine étant avec 2,3 millions de tonnes par an déjà le deuxième producteur de déchets électroniques au monde, derrière les Etats-Unis. « Mais l’Inde, le Brésil, le Mexique et d’autres risquent également d’être confrontés à de graves conséquences environnementales et sanitaires si le recyclage est laissé aux aléas du secteur informel », indique le PNUE.
« Ce rapport souligne l’urgence de mettre en place des processus ambitieux, formels et régulés pour le ramassage et la gestion des déchets électroniques », a dit le Directeur exécutif du PNUE, Achim Steiner. La croissance des e-déchets pose des problèmes environnementaux. Les émissions liées à l’extraction des matériaux nécessaires pour les produits électroniques représenteraient 23 millions de tonnes, soit 0,1 % des émissions mondiales de CO2. Les équipements électroniques actuels renferment en effet jusqu’à 60 composants différents, dont de l’or, de l’argent ou du platine. Pour les récupérer, les recycleurs chinois les brûlent dans des arrière-cours, sans protection contre les produits et gaz toxiques. Mais pour le PNUE, la gestion des déchets peut se transformer en opportunité : « Promouvoir le recyclage dans les pays en voie de développement peut engendrer des emplois décent. S’ils agissent maintenant et s’ils planifient efficacement, plusieurs pays peuvent transformer ce défi en une opportunité », explique Achim Steiner. (Lire les articles ici et ici)
Fertilité, infertilité, chronique de Hubert Reeves
La fertilité des terres, son aptitude à produire année après année une récolte abondante, est le garant de la sécurité alimentaire des humains. Alors que tous les humains ne mangent toujours pas à leur faim et que notre nombre croît, il y a une infertilité croissante des terres arables de la planète et une diminution des récoltes.
L’astro-physicien Hubert Reeves rappelle que le sol n’est pas seulement ‘de la terre’ : « C’est un milieu de vie intense avec des insectes, des vers de terre, des champignons, des virus, des microbes et des bactéries sur une épaisseur variable audessus de la roche, qui est l’ossature de la planète. Cette roche a permis, il y a des millions d’années, à l’eau liquide de séjourner, puis à la vie d’apparaître. C’est très lentement que, sur la planète Terre, s’est constituée cette mince pellicule d’humus fertile sur laquelle se sont installées les espèces sauvages et sur laquelle, quand c’est possible, nous installons les espèces domestiquées que nous cultivons.»
L’infertilité peut avoir de multiples causes. Naturellement, il y a des sols moins fertiles que d’autres, selon la région ou le climat local et le savoir-faire des hommes. Mais en considérant le sol comme un support inerte, l’activité humaine peut détruire en peu de temps un écosystème qui a mis des millions d’années à se construire. Les pesticides et les engrais, l’agriculture intensive dégradent l’activité microbienne et appauvrissent le sol. Pour Hubert Reeves, une restauration des sols est possibles avec des techniques respectueuses ainsi que la volonté du monde agricole. C’est la condition pour éviter la pénurie des ressources et l’avancée de la pauvreté dans le monde. (Lire la chronique ici)
La croissance rapide du secteur de l’élevage, un poids pour la planète
Selon un rapport de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, publié en février, la consommation mondiale d’aliments issus de l’élevage (viande, œufs, produits laitiers) progresse à grande vitesse et à l’échelle planétaire. Selon une règle jamais démentie, dès lors que le niveau de vie moyen augmente, les modes de consommation alimentaire changent en profondeur. Pour exemple la Chine, où la consommation moyenne annuelle est passé de 13,7 kg de viande par personne en 1980 à 59,5 kg aujourd’hui. Dans les pays développés, la consommation est de plus de 80 kg/personne/an.
Pour répondre à la demande mondiale, la production mondiale de viande devrait doubler pour atteindre 463 millions de tonnes. Aujourd’hui, l’agriculture produit 4600 kilocalories/jour/habitant – largement de quoi nourrir 6 milliards d’individus. Mais sur ce total, 800 sont perdues au champ (maladies, insectes, stockage…), 1500 dédiées à l’alimentation des animaux – qui n’en restituent en moyenne que 500 dans l’assiette – et 800 sont encore perdues en gaspillage dans les pays développés. Bien que source essentielle de protéines, la viande rouge n’est pas « rentable » au plan alimentaire : « Il faut 3 calories végétales pour produire 1 calorie de poulet ; 7 pour une de cochon et 9 pour une calorie bovine», souligne Hervé Guyomard, directeur scientifique à l’INRA (Institut national de la recherche agronomique). Ainsi, plus d’un tiers (37%) de la production mondiale de céréales sert à nourrir le bétail – 56% dans les pays riches – selon le World Ressources Institute.
Si la FAO consacre un rapport entier à ce thème, c’est aussi parce que « la croissance rapide du secteur de l’élevage (…) a engendré des risques systémiques qui pourraient avoir des conséquences catastrophiques pour les moyens de subsistance, ainsi que pour la santé humaine et animale et pour l’environnement. » Ainsi, comme l’ont montré les exemples du Brésil, de la Chine ou de la Thaïlande, la transition vers un élevage intensif et plus compétitif se fait au détriment des petites exploitations qui survivent avec quelques volailles, porcs ou vaches. « Les implications pour la pauvreté et la sécurité alimentaire peuvent se révéler dramatiques et justifier l’intervention publique », explique la FAO.
L’élevage coûte également très cher à l’environnement : 8% de la consommation mondiale d’eau, 18% des émissions de gaz à effet de serre (davantage que les transports) et 37% du méthane (21 fois plus réchauffant que le CO2) émis par les activités humaines. A l’inverse, la FAO souligne que « le secteur de l’élevage a un potentiel énorme en matière de contribution à l’atténuation du réchauffement climatique», à travers diverses mesures, comme notamment des additifs alimentaires pour diminuer les émissions de méthane du bétail. (Lire les articles ici et ici)
Un rapport non encore publié pour les Nations Unies sur les activités de 3000 des plus grandes entreprises du monde estime qu’un tiers de leurs profits seraient perdus si elles étaient tenues responsables pour les dommages environnementaux qu’elles engendrent. Plus de la moitié des 2,2 trillions de dollars de coûts environnementaux concernent les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique. La pollution de l’air et la sur-utilisation ou pollution de l’eau potable figurent parmi les autres coûts majeurs. Le coût réel, bien qu’il dépasse le PIB de la plupart des pays, est plus important encore, l’étude ne prenant pas en compte, entre autres, l’effet des déplacements de populations ou l’effet long terme des déchets toxiques sur la santé publique. Les coûts diffèrent d’une industrie à l’autre, les plus forts utilisateurs d’énergie fossile, telle que l’industrie de l’aluminium, et d’eau, tels que l’industrie alimentaire et textile, seront les premières listées.
Cette étude, commandée conjointement par le PNUD et l’initiative onusienne Principles for Responsible Investissement et conduite par un cabinet de conseil anglais, Truecost, doit être publiée cet été. Elle a pour but d’encourager les entreprises à réduire leur emprunte environnementale avant que la législation des gouvernements ne les y force. Elle s’inscrit dans une préoccupation croissante sur l’absence de responsabilité pour la plupart des dommages environnementaux, qui atteignent des proportions critiques en réduisant mondialement les ressources en eau et polluent les terres fertiles. « Nous parlons là d’un paradigme totalement nouveau, explique le responsable de l’étude chez Truecost. Des externalités de cette échelle et nature constituent un risque majeur pour l’économie globale et les marchés ne sont pas vraiment conscient de ces risques, ni ne savent comment les traiter. »
Plus tard dans l’année, une autre étude des Nations Unis, baptisé « Stern pour la nature » d’après le fameux rapport Stern sur le coût du changement climatique, cherchera également à chiffrer le coût de cette pollution et à trouver des moyens pour les prévenir via des taxes et l’arrêt des subventions pour les industries polluantes. L’économiste Pavan Sukhdev, auteur de cette deuxième étude, indique que la plupart des dirigeants d’entreprises présents au sommet économique de Davos se sont montrés préoccupés quant à l’impact environnemental de leurs activités et les conséquences d’un éventuel arrêt ou d’une taxation. «Cela peut faire la différence entre pertes et profits. Mais c’est signe d’une prise de conscience qui apportera des solutions.» (Lire l’article ici, en anglais)
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