Veiller est tout !
Veille dans tout ce que tu fais ! Ne te crois pas déjà éveillé. Non, tu dors et tu rêves !
Nous voici, tous : dans une caravane de rêve.
Une caravane, mais un rêve — un rêve, mais une caravane.
Et nous savons reconnaître les rêves.
L’espoir est là.
Hadrat Bahaudin Naqshband El Shah – XIVe siècle
La Situation :
En ce moment, il y a un peu partout des guerres : guerre fanatique, guerre psychologique, guerre de haine, guerre économique, guerre religieuse… Et même, la menace, à peine voilée, d’une « petite guerre préventive » antinucléaire ! Et que faisons-nous ? À part quelques-uns qui appellent sans répit, sans pour autant arriver à éveiller les dormeurs… Nous ne faisons rien. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que plusieurs milliers d’endormis s’efforcent de détruire plusieurs milliers d’autres endormis. Cela signifie qu’incessamment, plusieurs milliards d’endormis se mettront en route pour aller s’entretuer !!!
S’ils s’éveillaient, ils refuseraient naturellement une telle absurdité. Mais voilà ! Aussi incroyable, invraisemblable et absurde que cela puisse paraître, non seulement ils ne se réveillent pas, mais tout est fait pour les maintenir dans cet état de sommeil !
Or, toute cette folie, cette négation de l’autre, ce déni de réalité, est due à ce sommeil qui, de plus en plus, s’apparente à un cauchemar plutôt qu’à un rêve !
Sinon, comment expliquer, par exemple, qu’une mère souhaite que son enfant devienne un martyr en se faisant exploser au nom de D.ieu ? Comment expliquer que nous nous ressemblons « au nom de ce qui nous divise » , au nom de la haine de l’autre ? (Voir par exemple, Dieudonné et son problème juif !) Il faut être endormi pour appeler à aller contre, au lieu d’aller vers… Pour détruire en se détruisant ! Pour diviser et s’affaiblir ! Pour saccager et rendre invivable la seule terre que nous avons !
Oui ! c’est parce que nous dormons que nous acceptons de contribuer à cette entreprise de démolition, de négation de notre humanité ! C’est parce que nous sommes endormis que nous acceptons cette situation invraisemblable et absurde, où d’un côté il y a ceux qui meurent d’un excès de nourriture et de l’autre, ceux qui meurent de ne pas en avoir assez !
Nous sommes maintenus dans un monde subjectif composé de nos préjugés, partis pris, jugements à l’emporte-pièce. Un monde binaire partagé entre le « bien » et le « mal » , entre le « j’aime » et « je n’aime pas », « cela me plaît » et « cela ne me plaît pas », « j’ai envie » et « je n’ai pas envie »… Un monde divisé en deux axes où chacun naturellement se croit dans celui du Bien ! Et nous sommes maintenus dans cet état, non pas par un D.ieu despotique et inhumain, non pas par un bouc émissaire quelconque, mais par nous-mêmes et notre méconnaissance de nous-mêmes, voire notre indifférence envers nous-mêmes !
Le monde réel nous est caché par le mur de notre imagination débridée, par le mur de notre recherche de sécurité, notre peur de souffrir et de mourir ! Bref, notre peur de vivre, tout simplement ! Nous vivons dans le sommeil, nous dormons et nous « aimons » ça… Et ce que nous appelons état de veille n’est que sommeil, un sommeil extrêmement dangereux, beaucoup plus dangereux que notre sommeil de la nuit dans notre lit. Un sommeil qui se pense, se voit, se croit éveillé ! Et c’est parce que nous dormons que nous sommes indifférents à notre propre sort, au sort de notre planète ! Nous marchons à travers la vie sans savoir ce qu’est la Vie, on s’en balance !
Comment s’éveiller ? Comment échapper à ce sommeil ? Ces questions sont les plus importantes, les plus vitales qu’un homme ait à se poser depuis qu’il existe ! Mais, avant de se les poser, nous devrons nous convaincre du fait même de notre sommeil. Nous convaincre que nous sommes des somnambules et que nous passons à travers la Vie, indifférents et sans pensées propres, sans actions réelles, sans créativité ! Nous demander pourquoi nous passons notre existence, notre temps à essayer de tuer le temps et à nous imaginer ailleurs que là où nous sommes. À tourner en rond dans un éternel retour du même, dans la répétition infernale d’une guerre et d’une barbarie sans fin ! À nous déresponsabiliser de tout et à cultiver une culture de la mort, à passer notre existence à rêver notre vie, au lieu de la vivre. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’une seule solution : essayer de s’éveiller !
Le choix du chemin à prendre nous appartient, à nous de prendre la décision de nous éveiller ou pas ! J’informe de la situation, c’est tout !
tatihannah
Si ce n’est ainsi qu’il faut faire, quoi faire ? Et si ce n’est pas maintenant, quand alors ?
Primo Lévi
Bibliographie :
Les Habitants de l’Île, Idries Shah.
La vie n’est réelle que lorsque « Je suis », Gurdjieff, 1976, Stock.
Le Visage Vert, Gustav Meyrinck, 1975, Retz.
Les Gardiens Invisibles, Ernest Scott, 1983,The Octogan Press Ltd – 1990, Le Courrier du Livre
Caravane de rêve, Idries Shah 1968 – 1978, Courrier du Livre.
Photo de Yann Arthus-Bertrand (qui ne s’oppose pas à l’usage non lucratif de ses photos, merci à lui)
Légende la photo : Caravane de dromadaires aux environs de Nouakchott, Mauritanie (18°09′ N – 15°29′ O).
7 commentaires
Une amie m’a dit ceci « Mais tant que j’étais dans mon rêve, mon rêve n’était pas un rêve. Il est devenu rêve, quand je me suis ré-veillée » ! 🙂 Il me semble qu’il ne faut pas faire semblant de ne pas savoir. Au fond, on sent bien que ceci n’est pas la Vraie Vie, que cette Vie Vraie est plus intense, plus poétique, plus nourrisante que le rêve… On dit que l’on confirme avoir entendu l’appel, en répondant : me voici.
si tu étais éveillée, tu saurais que le monde ne risque rien.
cherche plutôt un moyen de sortir de ton cauchemar, ce sera plus judicieux que de chercher à informer « les autres » de ce qu’il savent déjà.
ou lutte contre les nouveaux fascismes: 30 années d’idéologie féministe basée sur des mensonges au profit exclusif de l’avidité et du profit; on n’entend pas beaucoup de « courageuses » femmes sur ce sujet….au moins tu pourras te montrer créative plutôt que de ressasser des trucs lus et relus un peu partout. (si tu en as besoin, dix pages de données argumentées t’attendent ici, le sujet n’intéressant plus ton serviteur)
« il n’y a rien que l’homme aime tant que la guerre » (homère)
Soleil
Un disciple suffit au maître
Une oreille suffit au mot juste.
Une aube suffit au soleil pour illuminer le monde.
Ansâri
Merci Tatihannah. Merci de nous donner tous vos trésors. Alors me voici aussi.:-)
Chère tatihannah,
Je ne sais si j’ai envie de rire ou de pleurer devant l’absurdité tragi-comique de notre situation que vous mettez si clairement en lumière. Ainsi, nous allons mourir sans jamais nous être réveillés, infliger les pires souffrances sans avoir jamais vécu, tomber en barbarie sans avoir goûté autre chose… ? Mais sommes-nous fous ? Non, nous dites-vous, endormis… Merci de nous le rappeler encore et toujours, on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas, même dans notre mauvais somme…
En lisant votre papier, je repensais à un texte que j’affectionne particulièrement et que j’aimerais partager avec vous. C’est l’extrait d’une lettre de la résistante allemande Sophie Scholl, un témoignage émouvant de cet effort de se réveiller, de s’unifier et d’être vertical dans un monde en pleine déraison, qui prend toute sa signification quand on sait son engagement dans la résistance par la suite.
« […] Ce n’est pas parce que toutes choses sont divisées que l’être humain doit l’être aussi. Mais on rencontre partout et toujours cette opinion. Parce que nous sommes là, dans ce monde divisé, nous devrions nous y conformer. […]
Comment peut-on attendre du destin qu’il accorde la victoire à une cause juste, alors qu’il se trouve à peine quelqu’un qui se sacrifie sans partage pour une cause juste ?
Je dois penser à une histoire de l’ancien Testament, où Moïse lève les bras vers Dieu à chaque heure, jour et nuit, pour demander la victoire. Et dès qu’il baisse les bras, la chance se détourne de son peuple en guerre.
Existe-t-il encore aujourd’hui des hommes qui ne fatiguent pas à diriger toutes leurs pensées et volontés sur une seule chose ? […]
Je ne connais pas une heure, où mes pensées ne s’échappent. Et ce n’est que dans une infime partie de mes actes que je fais ce que je pense être juste. Souvent je frissonne devant ces actes, qui s’accumulent au-dessus de moi, comme des montagnes noires et alors je ne souhaite rien d’autre que le néant ou alors d’être un morceau de terre ou un bout d’écorce. Mais déjà ce désir souvent écrasant est mauvais car il ne naît que de la fatigue. La fatigue est ce que j’ai de plus grand. À cause d’elle, je me tais, alors que je devrais parler. […] »
(Sophie Scholl, née le 9 mai 1921, exécutée pour haute trahison par les Nazis le 22 février 1943)
Ici avec vous,
Katja
PS. GMC, je ne comprends pas où vous voulez en venir, je vois juste que vous êtes une illustration parfaite du papier de tatihannah (mais l’avez-vous seulement lu ? vous en rendez vous compte ? ) : « Nous sommes maintenus dans un monde subjectif composé de nos préjugés, partis pris, jugements à l’emporte-pièce. […] Un monde divisé en deux axes où chacun naturellement se croit dans celui du Bien ! »…
Si pour vous tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, alors dormez tranquille, mais dans ce cas-là, dormez ailleurs et de façon moins désobligeante !
Merci infinimment Tatihannah!
L’homme endormi que je suis à besoin d’être rappelé à l’ordre à tout moment pour qu’enfin le désir d’être véritablement devient un besoin d’être, un besoin de tout mettre en oeuvre pour demeurer dans le réel, de m’arracher de l’état lourd et hébétant du rêve nourri de chimères et d’illusions.
Se réveiller est un choix qui se renouvelle à chaque instant. C’est pas facile et c’est tant mieux parce que la facilité mène tout droit à l’assoupissement.
Je n’ai plus envie de contribuer à la folie grandissante dans un monde au bord du cataclysme. Autre chose est possilbe mais il me semble qu’il faut être autrement pour y parvenir.
Merci à gmc car vous me montrez l’attitude que je ne peux me permettre si je veux avancer vers cette autre chose dont parle Tatihannah d’une façon si claire et éloquente.
Chère tatihanah, je reçois votre message avec gratitude. Et entre autres le fait que pour vouloir et pouvoir me réveiller et sortir de ce rêve, il me faut d’abord me « convaincre du fait même de mon sommeil ». Et convaincre, c’est « Amener (qqn) à reconnaître la vérité d’une proposition ou d’un fait ». Il ne s’agit donc pas de m’arrêter sur la proposition intellectuelle que ma vie est un rêve, mais d’en goûter la vérité (par une connaissance du fait qui soit conforme au réel). Car le rêve étant d’une plasticité infinie, je suppose qu’il est possible de rêver qu’on a reconnu le rêve et qu’on est réveillé, sans l’être vraiment. En somme (et c’est le cas de le dire 🙂 de perpétuer l’hallucination. Et comment pourrions-nous voir la différence ? Merci à GMC de me le rappeler. 😉
Je notais pas plus tard qu’hier, que j’avais le sentiment de vivre un rêve dans le rêve. D’être dans le rêve commun de la perception ordinaire et sensorielle du monde, et en même temps de rêver (projections mentales, préjugés, rationalisations) au sein de ce rêve. Un trip dans le trip. Le rêve au carré. Pas facile, comme dit Robert ! 🙂
Ce que je vois, c’est qu’il s’agit donc d’abord de tendre vers l’acquisition concrète de la conscience de ce rêve. A la lumière de ceux qui savent reconnaître les rêves, par le rappel de la proposition même de la virtualité de ma vie, par l’observation, l’attention, l’écoute, il me semble (car je ne peux d’ailleurs même pas en être sûr) que j’ai parfois des bribes de perception de cette irréelle réalité… Mais cela ne suffit pas. Car le rêve est puissant et vorace, et si à la moindre touche de perception de cette réalité fantomatique (et encore plus s’il s’agit de projections), je me crois réveillé, c’est foutu ! Et c’est là que je pressens que sans patience, efforts, persévérance, humilité, rien n’est possible.
Et cette triste chronique d’une catastrophe mondiale annoncée, je crois que pour l’éviter il faudrait que nous réveillions tous d’un coup, ou au moins un grand nombre au moins en parti, et j’ai bien peur que cela soit encore de l’ordre du rêve pour les temps qui s’annoncent…
Oh oui, s’éveiller ! Seul et unique motif ayant un quelconque intérêt dans ce monde… Merci à tous les éveilleurs, et à l’énergie fabuleuse qui diffuse sous les formes les plus diverses à travers les Humains Associés, et que tatihannah transmet ici encore avec tant générosité !
Je me souviens d’une scène des mines du roi Salomon que j’ai lue il y a bien longtemps. Le héros se trouve prisonnier dans une sorte de vaste grotte souterraine, ne présentant pas la moindre issue, et que personne n’a pénétrée depuis des lustres. À tâtons, il explore le lieu, heurtant ça et là le squelette d’ancestraux compagnons d’infortune. Il est désespéré, et se résout à finir ses jours dans ce lieu opaque. Mais dans un éclair de génie, il comprend ceci : « je respire ! Ça fait des jours que je respire, et compte tenu des dimensions de la grotte, j’aurais déjà dû consommer tout l’oxygène qui s’y trouvait quand j’y suis arrivé. Il est donc certain qu’il y a une ouverture quelque part, par lequel l’air se renouvelle ! ». Il se met alors avec ardeur à la recherche de l’ouverture… et il la trouve ! Au dehors, la lumière l’attend, et la vie…
Je ne suis pas sûr que ce récit soit très fidèle, car ma mémoire me fait défaut (c’est souvent le cas, quand on dort ! 😉 ), mais il est vrai que nous pouvons nous aussi nous accrocher à ce souffle d’air, aussi faible soit-il, qui nous parvient parfois d’on ne sait où et nous convainc, contre toute attente ou contre tous ceux qui ont déjà abandonné, qu’il y a bel et bien de la lumière dans ce monde.
Le message de tatihannah est un souffle de cet air, de cet éther négligé.
Merci encore aux éveilleurs !
Laisser un commentaire