Le « village global » sera laïque ou ne sera pas !
Mahmoud Darwich dit avec raison : « Parce que je vis dans la perplexité, je refuse toutes les certitudes dans un présent si agité. Je ne suis pas certain de ma propre vision. » En effet. Et c’est pour cela que la liberté d’expression n’est pas négociable !
Tout au long de l’Histoire, certains ont su dire non, un immense NON à la barbarie. Tout au long de l’Histoire, des êtres humains ont perçu l’abîme, bien avant les autres, sans parvenir pourtant à empêcher les guerres, les massacres, les génocides. On assassine et on détruit toujours autant, on nie même davantage, que ce soit par le retour à un négationnisme d’état, comme en Iran, ou par une régression des Droits de l’Homme et des libertés individuelles inconcevable il y a seulement une décennie. Nous ne sommes pas même conscients d’abdiquer complaisamment nos plus précieuses valeurs, et de renoncer finalement à nous-mêmes ! Nous ne voyons pas que c’est notre lâcheté qui s’affiche passivement derrière le masque de la tolérance, et nous parvenons à soutenir notre propre regard dans le miroir en nous trouvant libres et beaux !
Ce n’est pas mon cas !
Peut-être parce que j’ai connu la dictature et que j’ai vu toutes ces petites lâchetés inoffensives et quasiment imperceptibles se transformer, à une vitesse effrayante, en soumission et en compromission actives… J’ai vu, en quelques semaines, des hommes et des femmes à la démarche fière, au regard franc et direct, ne plus oser marcher tranquillement dans la rue et regarder le ciel, de peur d’être repérés comme des êtres libres !
Mais il nous restait la belle Europe, l’Europe des Humanités, la France des Lumières !!! Puisque ce continent, ce pays, s’était donné la tâche magnifique d’humaniser le monde, d’instaurer la Dignité Humaine, les Droits de l’Homme, la liberté de penser et de s’exprimer librement, l’espoir était là ! Cela nous aidait énormément. Il fallait y venir, participer à cette lumière, la propager, nourrir et cultiver cette liberté !
Mais nous nous détournons aujourd’hui de cet idéal et, ce faisant, nous nous montrons prêts à renier à la fois notre héritage et notre avenir. Parallèlement à la fin des croyances, ou peut-être même indépendamment d’elle, l’absence de toute transcendance fait apparaître un processus extrêmement dangereux qui débouche, paradoxalement, sur un renoncement à la raison. Car dorénavant ce sont les agnostiques les plus farouches et les gauchistes les plus radicaux qui sont partis hier en croisade contre la loi sur les signes religieux (qui aspire pourtant à laisser la croyances en dehors des écoles de la République !) et qui soutiennent haut et fort un Hugo Chavez, qui se prend pour le nouveau Jésus et assène à son peuples d’interminables tirades religieuses enflammées. Comment ne pas percevoir la contradiction flagrante avec l’athéisme de combat affiché par ailleurs ? De même, les partisans farouches d’un humoriste français peut-être candidat à la Présidentielle soutiennent bec et ongle la liberté d’expression totale de leur poulain et proposent dans le même temps une lettre type pour porter plainte contre ce qu’ils voient comme des « attaques injustifiées prenant délibérément pour cible la communauté arabe en général. » !
L’hypocrisie ne le cède d’ailleurs en rien à la contradiction. En préambule à toute réflexion sur le fond, certains n’ont pas hésité à faire d’abord entendre, au sujet de ces caricatures, un cri plus vif et plus spontané que le cri des foules dans la rue : le cri… esthétique ! « Oh, non ! Voyons ! Jamais nous n’aurions publié ces caricatures : elles ne sont pas belles ! ». Comme si c’était là le problème ! La forme primerait-elle donc à ce point sur le fond ? Outre qu’il est éminemment hypocrite, cet argument de l’esthétique montre avec quelle inconscience l’Occident se réfugie dans l’abstraction pour s’attaquer aux problèmes qu’il rencontre. Nous sommes décidément au cour d’une crise du sens et dans un renoncement à la raison !
Aujourd’hui, au risque de renier nos valeurs fondamentales, nous hurlons avec les loups, tout en sachant pourtant fort bien qui sont les chefs de meute et quels sont leurs buts véritables. Nous ne pouvons raisonnablement ignorer que cette gigantesque affaire des caricatures a été (re)fabriquée de toutes pièces (du moins à cette échelle et dans ces termes), dans un contexte de montée en puissance de l’islamisme radical, de luttes internes au sein des nations musulmanes et de tensions populaires autour de la légitimité et de la représentativité des pouvoirs en place.
Mais à l’instar du fameux singe qui se ferme les yeux, la bouche et les oreilles, nous feignons de ne pas savoir à qui profite le crime. Tout laïques que nous sommes (et je précise ici que je suis quant à moi très loin d’être agnostique), nous ne participons nullement à la libération de ceux qui sont manipulés au nom de la religion, mais au contraire nous avalisons, voire réclamons, nous les héritiers des Lumières, une réduction de notre liberté au nom de Dieu – ce même Dieu que par ailleurs l’écrasante majorité de nos concitoyens nie et méprise avec tant d’ironie et de fierté ! Ce n’est pas l’engagement philosophique ou même éthique qui nous conduit à nous abandonner ainsi à l’obscurantisme, mais la peur et la lâcheté, intimement liées entre elles et au discours policé de la bonne conscience, qu’on devrait plutôt appeler populisme !
Ne cédons pas à ce chantage malhonnête et hypocrite, ni à aucune forme de terrorisme idéologique. Certes, ne nions pas que la sensibilité des croyants musulmans ait pu être sincèrement blessée, et puisque cette blessure inattendue s’est manifestée, il faudra évidemment en tenir compte à l’avenir, c’est-à-dire l’avoir présente à l’esprit au moment de faire usage, chacun en son âme et conscience, de la liberté d’expression garantie par la loi. Mais précisément parce que la loi la garantit souverainement, toute personne doit pouvoir s’en réclamer pour critiquer n’importe quelle croyance, sans s’attirer les foudres de telle ou telle communauté. Ne feignons pas non plus d’ignorer que les religions sont à cet égard égales devant la satire, et que les dessins ignobles et blasphématoires n’ont jamais épargné notamment la religion catholique en France (cf. dessin de Cabu dans le Canard Enchaîné du 28 décembre 2005). On peut être choqué, voire blessé, mais il est impératif d’accepter la règle du jeu et surtout de reconnaître qu’elle est en réalité éminemment salutaire pour la société et les citoyens.
Aucune religion ne peut prétendre imposer sa foi à ceux qui ne la partagent pas ! L’ Europe, et plus généralement l’Occident permettent à chacun de vivre ses croyances, sa foi ou ses idées en toute liberté, sans craindre d’être persécuté. C’est un trésor inestimable ! On doit le défendre, que l’on soit agnostique ou non.
Mahmoud Darwich dit avec raison : « Parce que je vis dans la perplexité, je refuse toutes les certitudes dans un présent si agité. Je ne suis pas certain de ma propre vision. » En effet. Et c’est pour cela que la liberté d’expression n’est pas négociable !
tatiana f.
4 commentaires
Merci pour ce « déblayage » on voit très bien à travers ces quelques lignes la chance que l’on a, ici, de pouvoir être en accord avec sa foi.
Sans pour autant l’imposer à autri.
Nos esprits sont fortement infuençables par les évènements bruyants, si nous ne sommes pas aguéris, il est vite fait de tomber dans le piège du populisme et autres. Dans des schémas faciles et nuisibles.
Alors merci de rappeller qu’il faut toujours regarder la lune et non le doigt qui la montre, comme le ferait l’imbécile. Ca permet d’aller vers ce qui nous unit plutôt que vers ce qui nous divise…
comme c’est bizarre
beaucoup d’ avant gardistes musulmans sont venus en europe pour poursuivre leur recherche et que se passe til maintenant?
on a l’impression que le terrorisme intellectuelle s’y installe aussi
et bien j’espere que les pouvoir publics auront le courage de leurs principes fondateurs
car n oublions que les fondamentalistes de tous les horizons utilisent ces mêmes principes pour paralyser l’îlot europeen et comme l europe traîne 5 siecles de culpabilite ou dette morale vis à vis du reste de la planête…./ mais je crois qu’ il y a possibilité de trouver un pare-feu global
mais là aussi il faut du courage
sans condescendance ni paternalisme
bon dimanche à tous
Un avocat apporte son éclairage :
L’arme de la religion
Philippe Bilger, avocat Général près la cour d’appel de Paris
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=6806
« La religion, elle, est devenue l’arme suprême, et c’est parce que ce combat nous entraîne bien au-delà du débat classique sur la liberté d’expression qu’il convient, pour les démocraties, de présenter un front uni et une solidarité sans faille. Ce qui se cache derrière ces fureurs apparemment religieuses, c’est une volonté politique de détruire ce qui donne sens et légitimité à nos sociétés.
J’ai l’impression qu’à intervalles réguliers, on cherche à tester nos forces, notre capacité de résistance et la qualité de notre adhésion à nos propres valeurs. Sans cesse, on cherche à voir « jusqu’où on peut aller trop loin ». Si la démocratie recule dans cette lutte capitale, si elle affaiblit son discours par une compréhension qui altèrera la vigueur de sa position, elle perdra. Il y en a assez de ces démocraties, ce régime le plus exemplaire qui soit, qui s’excusent d’être ce qu’elles sont. Une démocratie a le devoir de se battre. Elle a le droit de se défendre. Elle peut le faire sans se renier. Les démocrates n’ont pas vocation à être des moutons. Dans l’arme de la religion, il faut voir l’arme. »
la laïcité est un paravent qui n’est là que pour masquer la seule religion qu’ait désormais l’occident: le profit; et absolument tout est permis en Son Très Saint Nom.
et cette religion est imposée à tous au nom d’utopies n’ayant jamais eu de réalité tangible (liberté, justice, etc…)
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